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Article (Saisine du Conseil constitutionnel en date du 20 décembre 1995 présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 95-369 DC)

Article (Saisine du Conseil constitutionnel en date du 20 décembre 1995 présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 95-369 DC)

IV. - Sur l'article 17 bis de la loi déférée


Cet article, introduit dans la loi déférée par amendement du Gouvernement devant l'Assemblée nationale, fait sortir des dépenses du budget annexe des prestations sociales agricoles (B.A.P.S.A.) les majorations de pensions accordées en fonction du nombre d'enfants pour les ressortissants du régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles. L'article 34 de la loi de finances pour 1995 telle que votée par le Parlement avait tenté de « débudgétiser » les recettes nécessaires au service de ces majorations de pensions en prévoyant que le Fonds de solidarité vieillesse (F.S.V.) abonderait à due concurrence le B.A.P.S.A. qui les prenait auparavant en charge.
Cette débudgétisation avait été censurée par le Conseil constitutionnel (dans sa décision no 94-351 DC du 29 décembre 1994) pour violation du principe d'universalité budgétaire.
Un an plus tard, le Gouvernement tente de faire échec à la chose jugée en substituant à une débudgétisation partielle (n'affectant que les recettes)... une débudgétisation totale : désormais non seulement le F.S.V. se substituerait au B.A.P.S.A. pour financer le service desdites majorations de pensions mais la dépense correspondante elle-même disparaît du B.A.P.S.A. et, partant, de la loi de finances.
Ainsi l'opération budgétaire en cause est-elle totalement soustraite au contrôle parlementaire, alors qu'il s'agit incontestablement d'une prestation sociale agricole et que subsiste en 1996 un budget annexe devant retracer l'ensemble des comptes relatifs à ces prestations.
La violation du principe d'unité budgétaire est si manifeste que le Gouvernement, redoutant à juste titre les critiques du Conseil d'Etat, s'est bien gardé de faire figurer cette nouvelle manipulation budgétaire dans le projet de loi de finances et a préféré l'introduire par voie d'article additionnel lors de la première lecture devant l'Assemblée nationale.
L'irrégularité du procédé, dont le rapporteur général du budget du Sénat n'a pu que remarquer qu'il n'était « pas d'une rare élégance », est si manifeste qu'aucun des rapporteurs des deux assemblées n'a pu manquer de s'interroger sur sa constitutionnalité et que le rapporteur spécial de la commission des finances du Sénat, résumant le sentiment général, a dû constater : « Les limites de l'ingénierie budgétaire semblent atteintes ». Il est des formes d'ingénierie que proscrivent les principes constitutionnels applicables au droit budgétaire, et qui n'en sont que plus inacceptables lorsqu'elles persévèrent dans l'inconstitutionnalité après une première censure dont le Gouvernement et sa majorité cherchent à paralyser les effets. Alors qu'il est si constamment affirmé que la revalorisation du rôle du Parlement occupe une place de choix dans les priorités gouvernementales, et au moment précis où l'on prétend redonner aux assemblées un véritable pouvoir de contrôle sur la politique de protection sociale, le recours à ce type de procédés ramène cruellement à la réalité des rapports entre l'exécutif actuel et la représentation nationale.
L'annulation de l'article 17 bis de la loi déférée revêt dans ces conditions un véritable caractère de salubrité juridique.