Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Observations du Gouvernement en réponse à la saisine du Conseil constitutionnel en date du 20 juillet 1995 par soixante députés)
III. - Sur la violation de l'article 29 de la Constitution
Les auteurs du recours soutiennent que l'article 29 de la Constitution interdit de modifier l'ordre du jour d'une session extraordinaire. Selon eux, le premier alinéa de l'article 29, en vertu duquel « le Parlement est réuni en session extraordinaire... sur un ordre du jour déterminé », imposerait de fixer ab initio l'ordre du jour d'une session extraordinaire.
Une telle interprétation paraît erronée. Elle est d'abord extrêmement restrictive. Elle revient à limiter le droit du Président de la République de soumettre au Parlement des projets ou des propositions de lois dès lors qu'une session extraordinaire est en cours.
Cette interprétation est ensuite paradoxale, puisque le Président de la République peut, à tout moment, convoquer une nouvelle session extraordinaire à la demande du Premier ministre (art. 29, 3e alinéa). Si le Premier ministre peut demander une nouvelle session, a fortiori peut-il demander l'inscription de nouveaux textes à l'ordre du jour d'une session déjà ouverte.
Enfin, cette interprétation est peu réaliste. Il faudrait en effet attendre l'épuisement de l'ordre du jour initial pour convoquer à nouveau le Parlement en session extraordinaire. Le caractère d'urgence qui s'attache à certaines lois, qui justifie d'ailleurs l'existence même de sessions extraordinaires,
n'est pas compatible avec une telle procédure.
En réalité, l'exigence d'un ordre du jour « déterminé » signifie que le Parlement ne peut délibérer que sur des questions inscrites à l'ordre du jour fixé par le Président de la République (no 81-130 DC du 30 octobre 1981).
Il résulte par ailleurs des deuxième et troisième alinéas de l'article 29 que seules les sessions extraordinaires convoquées à la demande des députés sont soumises à des conditions restrictives:
- le décret de clôture intervient dès que l'ordre du jour est épuisé et, en tout état de cause, au plus tard douze jours après le début de la réunion (2e alinéa);
- les députés ne peuvent demander une nouvelle session extraordinaire avant l'expiration du mois qui suit le décret de clôture de la précédente session (3e alinéa).
En revanche, rien dans l'article 29 ne vient limiter le pouvoir du Président de la République de définir et de modifier l'ordre du jour d'une session extraordinaire.
La pratique est d'ailleurs constante dans ce sens, depuis plus de trente ans (décrets du 6 février 1963, du 1er juillet 1976, du 20 janvier 1982, du 19 juillet 1984, du 10 juillet 1985, du 11 juillet 1986, du 23 juillet 1986 et du 18 janvier 1994). On notera, sans en tirer de conséquences juridiques, que des lois adoptées à la suite d'une telle procédure ont déjà été soumises au Conseil constitutionnel sans être censurées sur ce point (voir par exemple la loi no 82-155 du 11 février 1982 de nationalisation).
Pour ces raisons, le Gouvernement demande au Conseil constitutionnel de rejeter le présent recours.