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Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Observations du Gouvernement en réponse à la saisine du Conseil constitutionnel en date du 27 décembre 1994 par soixante députés)

Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Observations du Gouvernement en réponse à la saisine du Conseil constitutionnel en date du 27 décembre 1994 par soixante députés)

3. Le troisième grief dénonce plus particulièrement une rupture d'égalité entre associations intermédiaires et entreprises de travail temporaire
Selon les requérants, la loi introduirait entre les deux types d'organismes une discrimination non justifiée par la différence des activités et des publics concernés. Ainsi, les garanties apportées aux associations intermédiaires ne seraient pas justifiées par leur objet social.
Le grief n'est fondé dans aucun de ses éléments.
a) L'activité des associations intermédiaires et celle des entreprises de travail temporaire sont profondément différentes.
La loi n'introduit pas de rupture d'égalité, car les agences d'intérim et les associations intermédiaires sont placées dans des situations radicalement différentes tant au regard de leur objet que de leurs publics:
- les entreprises de travail temporaire recrutent des personnes disposant d'une qualification ou d'une spécialisation plus ou moins étendues, mais toujours incontestables. Leur vocation est en effet de permettre aux entreprises de répondre promptement et efficacement à des besoins temporaires. Ainsi l'article L. 124-1 du code du travail dispose qu'une entreprise de travail temporaire ne met de salariés à disposition d'utilisateurs « qu'en fonction d'une qualification convenue » et qu'elle les « embauche et rémunère à cet effet ». De même, la loi n'encadre le champ d'activité des entreprises de travail temporaire qu'en prévoyant les cas de recours au travail intérimaire: remplacement d'un salarié,
accroissement temporaire d'activité et emplois saisonniers ou temporaires par nature (art. L. 124-2-1 du code du travail);
- à l'inverse, les associations intermédiaires constituent des structures d'insertion ou de réinsertion professionnelle bénéficiant à des publics éprouvant de grandes difficultés à accéder au marché du travail et, très généralement, non qualifiés. C'est pourquoi la loi définit strictement leur objet, qui est de mettre à la disposition de personnes physiques ou morales des personnes sans emploi rencontrant des difficultés particulières d'insertion ou de réinsertion pour des activités non assurées par l'initiative privée ou l'action des collectivités publiques ou par des organismes bénéficiant de ressources publiques. L'agrément préfectoral délivré après avis des organisations professionnelles concernées et du comité départemental de l'insertion par l'économie, comme la possibilité de suspendre ou de retirer cet agrément constituent des garanties contre tout risque de dérive.
Il est donc clair que les associations intermédiaires constituent un dispositif spécifique d'accès au monde du travail. Le fait que, depuis la loi du 19 décembre 1989, elles aient aussi pour missions l'accueil des personnes en difficulté de réinsertion, leur accompagnement et le suivi de leur itinéraire dans leur démarche de réinsertion, confirme la vocation de ces associations.
b) En tout état de cause, les salariés des associations intermédiaires bénéficient d'un statut protecteur.
Les nouvelles dispositions légales (1er alinéa du 3 de l'article L. 128 du code du travail) garantissent aux salariés des associations intermédiaires l'application des dispositions de l'article L. 125-3, alinéa 2, du code du travail. Ce texte permet en effet d'appliquer à ces salariés les dispositions protectrices dont bénéficient les salariés des entreprises de travail temporaire. Mentionnons les dispositions relatives à la responsabilité de l'utilisateur dans les conditions d'exécution du travail, incluant les obligations afférentes à la médecine du travail (art. L. 124-4-6) et à l'accès des salariés temporaires aux moyens de transports collectifs et aux installations collectives dont peuvent bénéficier les salariés de l'utilisateur (art. L. 124-4-7); les dispositions relatives aux calculs d'effectifs en matière de représentation du personnel (art. L. 124-14);
celles relatives au droit applicable aux salariés étrangers (art. L. 341-3); ou celles fixant les modalités de calcul de l'indemnité afférente à un accident du travail (art. L. 412-3 et suivants du code de la sécurité sociale).
En outre le III de l'article 95 de la loi insère (2e alinéa nouveau du 3 de l'article L. 128 du code du travail) une disposition prévoyant qu'en aucun cas une association intermédiaire ne peut embaucher un salarié pour effectuer des travaux particulièrement dangereux figurant sur une liste dressée par arrêté ministériel. Il s'agit là encore de l'application aux salariés des associations intermédiaires d'une disposition protectrice, également prévue pour les salariés intérimaires par l'article L. 124-2-3 du code du travail.
Il est donc totalement inexact de présenter les salariés des associations intermédiaires comme dotés d'un niveau de protection si bas que, même à qualification inférieure, les employeurs trouveraient intérêt à les employer plutôt que d'avoir recours à l'embauche ou aux entreprises de travail temporaire.