IV. - Situation relative aux hérissons
Lors de la fixation des tarifs de terminaison d'appel vocale directe pour les années 2005 et 2006, l'Autorité avait estimé que la poursuite de ses objectifs et notamment le besoin de réduire l'utilisation des hérissons (5), tout en veillant à assurer une certaine continuité dans cette transition, amenait à envisager un plafond qui soit pour 2006 de 9,5 cEUR/min pour le prix moyen de la prestation dite « intra-ZA », niveau proche du coût actuel pour les acteurs qui acheminent leur trafic via des hérissons, compte tenu de leur coût d'acquisition et de fonctionnement des équipements hérissons.
Or il apparaît que la fixation de ce plafond pour 2006 n'a pas fermé l'espace économique existant pour les hérissons, notamment ceux achetés par les opérateurs fixes, qui représentent la majorité des communications hérissons.
L'achat de ces communications hérissons par les opérateurs fixes s'inscrit dans un cadre contractuel, qui peut être fait en direct auprès des opérateurs mobiles ou via des intermédiaires, et permet aux opérateurs fixes d'acheminer une partie de leur trafic vers chacun des réseaux mobiles. Dans la mesure où l'achat de ces communications est régi par un contrat liant l'opérateur mobile et explicitant l'usage de ces cartes SIM dans des hérissons, l'opérateur mobile est en mesure de prendre en compte le trafic provenant de ces hérissons dans l'optimisation de son réseau, limitant ainsi les perturbations de qualité de service qu'ils peuvent induire. Compte tenu des éléments dont elle dispose, l'Autorité estime le prix auquel la majorité des opérateurs fixes achètent de telles communications entre 7,5 et 8,5 cEUR/min.
L'Autorité souligne qu'il est essentiel qu'un report des communications hérissons vers l'interconnexion classique ait lieu au plus tard au 1er janvier 2007, notamment car l'impact sera positif en termes de qualité sonore des communications, d'identification de l'appelant et d'usage efficace du spectre hertzien.
Elle suppose que ce report des communications hérissons vers l'interconnexion classique devrait a priori avoir lieu dès lors que le coût d'une interconnexion classique, c'est-à-dire le niveau de terminaison d'appel mobile, sera descendu au niveau du coût complet d'une communication passée par le biais d'un hérisson. Il importe donc de fixer des niveaux de tarif de terminaison d'appel vocale directe pour l'année 2007 qui soient compatibles avec la fermeture de l'espace économique des hérissons en cause. Inversement, définir des tarifs de terminaison d'appel vocale directe pour l'année 2007 au-dessus du prix de vente des hérissons par les opérateurs fixes ne permettrait pas selon l'Autorité d'annuler l'intérêt économique de ces hérissons, et risquerait donc de les faire perdurer.
Par ailleurs, l'Autorité estime que les tarifs de terminaison d'appel vocale directe fixés pour l'année 2007 ne doivent pas induire pour les opérateurs fixes de hausse significative de leur coût d'acheminement de trafic fixe vers mobile, ni pour la majorité des utilisateurs finaux de variation significative de leurs prix de détail des appels fixe vers mobile.
Enfin, l'Autorité souligne l'effet positif de la disparition des hérissons achetés par les opérateurs fixes dans la mesure où elle permettra de réduire les perturbations existantes aujourd'hui sur la qualité du réseau et du service rendu aux utilisateurs finaux, qu'ils soient clients appelant des numéros mobiles ou clients mobiles joints par des lignes fixes.
De manière concomitante, elle invite les opérateurs fixes qui achetaient ces communications hérissons à procéder auprès des opérateurs mobiles dans les meilleurs délais à des commandes d'interconnexion le cas échéant, afin que l'ensemble de leur trafic vers les réseaux mobiles puisse être acheminé en interconnexion directe.
L'Autorité a constaté l'existence d'une deuxième catégorie de hérissons, qui reposent sur un détournement d'offres de détail, en général d'offres illimitées, sans assentiment de l'opérateur mobile, et qui consistent à transformer des appels fixe vers mobile en appels on net offerts à des prix attractifs. L'Autorité note tout d'abord que ces dispositifs constituent probablement une source d'approvisionnement en communications hérissons complémentaire et alternative pour les opérateurs fixes, utilisée de façon opportuniste suivant sa disponibilité. Or ces dispositifs sont générateurs de fortes perturbations dégradant la qualité des réseaux mobiles, sans que les opérateurs mobiles puissent les anticiper ou les limiter. Par ailleurs, ces dispositifs peuvent dans certains cas outrepasser des clauses de non-détournement d'usage spécifiées dans les conditions générales de vente relatives aux offres de détail et sont donc à ce titre non conformes aux conditions contractuelles. L'Autorité a conscience que leur disparition totale est difficile, dans la mesure où leur fonctionnement repose sur des pratiques qui pourraient être qualifiées de frauduleuses, existant de manière résiduelle en France comme dans les autres pays européens. Toutefois, l'Autorité souligne qu'il lui apparaît compréhensible et de surcroît légitime que les opérateurs mobiles puissent effectivement faire disparaître ce type de hérissons en invoquant le non-respect des conditions contractuelles lorsqu'il est établi. En effet, l'existence de telles pratiques remet en cause la viabilité économique d'offres tarifaires qui répondent par ailleurs à la demande des consommateurs.
Enfin, l'Autorité a également constaté qu'il existe une dernière catégorie de hérissons, qui sont ceux offerts directement par les opérateurs mobiles à des utilisateurs finaux (notamment des PME, des grandes entreprises ou des entités publiques). Compte tenu des éléments dont elle dispose, l'Autorité estime le prix auquel la majorité des utilisateurs finaux achète de telles communications entre 8 cEUR/min et 8,5 cEUR/min environ pour des grands comptes. L'Autorité constate ainsi qu'aujourd'hui il existe deux catégories d'offreurs sur le marché des appels fixe vers mobile : les opérateurs fixes et les opérateurs mobiles.
Dès lors que les opérateurs fixes ne disposeraient plus de la possibilité de recourir à des hérissons, l'Autorité considère opportun que les opérateurs mobiles cessent d'être des offreurs d'appels fixe vers mobile en ne signant plus de nouveau contrat ou en ne renouvelant pas les contrats déjà signés et en cours de validité. L'Autorité souligne qu'il est important qu'à compter du début de l'année 2007 le marché des appels fixe vers mobile repose à nouveau sur des schémas d'interconnexion classique, et qu'en conséquence les seuls offreurs sur ce marché soient des opérateurs ayant effectivement recours à cette interconnexion.
L'Autorité attire l'attention des opérateurs mobiles et de leurs clients, notamment grands comptes, sur le risque de recours contentieux devant le Conseil de la concurrence contre de tels contrats s'ils perduraient. L'Autorité rappelle que toute pratique consistant à proposer, notamment aux entreprises moyennes et aux « grands comptes », des offres de détail « fixe vers mobile » à des prix inférieurs à la charge de terminaison d'appel peut être considérée comme ayant pour objet et pour effet de fausser le jeu de la concurrence dès lors qu'elle peut conduire à évincer du marché les autres opérateurs.