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Article (Décision n° 2005-0277 du 19 mai 2005 portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros de l'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre)

Article (Décision n° 2005-0277 du 19 mai 2005 portant sur les obligations imposées à France Télécom en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché de gros de l'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre)


I. - INTRODUCTION
I-A. - L'analyse des marchés pertinents


Conformément à l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité est en charge de la détermination des marchés pertinents du secteur des communications électroniques, susceptibles d'être soumis à une régulation ex ante. Elle conduit une analyse concurrentielle de ces marchés et désigne le ou les opérateurs réputés exercer une influence significative sur ces marchés. Conformément à l'article L. 37-2, l'Autorité fixe ensuite en les motivant la liste des obligations imposées à ce ou ces opérateurs.
Conformément à l'article D. 301 du même code, l'Autorité a publié le 23 juin 2004 un document de consultation préliminaire intitulé « Consultation publique sur l'analyse des marchés du haut débit ».
Dans ce document, après avoir analysé la situation concurrentielle prévalant sur chacun des marchés de détail et de gros du haut débit, l'Autorité a proposé une délimitation des marchés pertinents. Elle a ainsi proposé une définition du marché du dégroupage de la boucle locale, ainsi que des marchés de gros des offres d'accès large bande livrées aux niveaux régional et national. Sur chacun de ces marchés, elle a proposé une analyse conduisant à la détermination de l'entreprise exerçant une influence significative sur le marché, et a soumis à consultation une liste d'obligations qu'elle estimait justifié et proportionné d'imposer à cette entreprise.

Après avoir considéré l'ensemble des vingt-cinq contributions des acteurs et consulté le Conseil de la concurrence selon les dispositions de l'article L. 37-1 du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité a établi des projets de décisions en vue de leur transmission à la Commission européenne, ainsi qu'aux autorités réglementaires compétentes des autres Etats membres de l'Union européenne, projets qu'elle a soumis, en parallèle, à consultation publique du 13 avril 2005 au 13 mai 2005.
Les régulateurs des autres Etats membres n'ont pas émis de commentaire sur cette notification. La Commission a adressé à l'Autorité une lettre l'informant qu'elle n'avait pas d'observation à formuler sur l'analyse présentée par l'Autorité du marché de gros de l'accès dégroupé (y compris l'accès partagé) aux boucles locales et sous-boucles sur lignes métalliques.
L'Autorité a reçu neuf contributions en réponse à la consultation publique menée en parallèle de cette notification. Ces contributions ont fait apparaître la nécessité de clarifier certains aspects du projet de décision « obligations », qui a donc été amendé en ce sens. Sur le fond, en revanche, les contributions reçues n'ont pas amené l'Autorité à faire évoluer l'analyse proposée.
L'analyse du marché de gros des offres de gros d'accès dégroupé à la boucle et à la sous-boucle locale cuivre conduite par l'Autorité se compose de deux décisions : la décision n° 2005-0275 « délimitation du marché et opérateur puissant », ainsi que de la présente décision « obligations ».
La décision « délimitation du marché et opérateur puissant », d'une part, définit le marché pertinent des offres de gros d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre. Ce marché est indépendant du type de dégroupage utilisé et son périmètre correspond au territoire métropolitain, aux départements d'outre-mer et à Mayotte.
D'autre part, elle désigne France Télécom comme opérateur exerçant une influence significative sur ce marché pertinent.
La présente décision porte sur la détermination des obligations imposées à France Télécom, en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché pertinent des offres de gros d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre.


I-B. - Durée d'application de la décision


Conformément aux prescriptions de l'article D. 303 du code des postes et des communications électroniques, il incombe à l'Autorité de fixer la durée d'application de chacune des obligations qui ne peut dépasser la date de révision des décisions prises en vertu de l'article D. 301, selon lequel l'inscription d'un marché sur la liste de l'ensemble des marchés pertinents « est prononcée pour une durée maximale de trois ans » ; l'Autorité doit notamment réviser cette liste, de sa propre initiative « lorsque l'évolution de ce marché le justifie », ou encore « dès que possible après la modification de la recommandation de la Commission européenne ».
La présente décision s'applique à compter de son entrée en vigueur jusqu'à la date du 1er mai 2008. Cependant, au regard de ce qui précède, si les conditions d'évolution du marché le justifient, l'Autorité réexaminera avant cette date le marché de gros des offres d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle et pourra, le cas échéant, être amenée à prendre avant ce terme une nouvelle décision « obligations ».


I-C. - Principes généraux relatifs à la détermination des obligations
mposées à l'opérateur exerçant une influence significative sur un marché


Conformément à l'article 16 de la directive « cadre », lorsqu'une autorité de régulation nationale a identifié un opérateur exerçant une influence significative sur un marché pertinent, celle-ci est tenue de lui imposer des mesures réglementaires spécifiques visées aux articles 9 à 13 de la directive « accès ». Ces obligations sont les suivantes :
- obligations de transparence ;
- obligations de non-discrimination ;
- obligations relatives à la séparation comptable ;
- obligations relatives à l'accès à des ressources spécifiques et à leur utilisation ;
- contrôle des prix et obligations relatives au système de comptabilisation des coûts.
Conformément au considérant 14 de la même directive, il s'agit d'un ensemble maximal d'obligations pouvant être imposées aux entreprises.
L'article 8 de la directive « accès » prévoit également que les obligations imposées sont fondées sur la nature du problème constaté, proportionnées et justifiées au regard des objectifs énoncés dans l'article 8 de la directive « cadre ».
Par ailleurs, le paragraphe 118 des lignes directrices indique qu'un projet de mesure est considéré comme compatible avec le principe de proportionnalité si la mesure à prendre poursuit un but légitime et si les moyens employés sont à la fois nécessaires et aussi peu contraignants que possible.
L'article L. 38-I du code des postes et des communications électroniques prévoit que « les opérateurs réputés exercer une influence significative sur un marché du secteur des communications électroniques peuvent se voir imposer, en matière d'interconnexion et d'accès, une ou plusieurs des obligations [...], proportionnées à la réalisation des objectifs mentionnés à l'article L. 32-1 ».
Il s'agit des obligations suivantes :
- rendre publiques des informations concernant l'interconnexion ou l'accès, notamment publier une offre technique et tarifaire détaillée d'interconnexion ou d'accès lorsqu'ils sont soumis à des obligations de non-discrimination ;
- fournir des prestations d'interconnexion ou d'accès dans des conditions non discriminatoires ;
- faire droit aux demandes raisonnables d'accès à des éléments de réseau ou à des moyens qui y sont associés ;
- ne pas pratiquer de tarifs excessifs ou d'éviction sur le marché en cause et pratiquer des tarifs reflétant les coûts correspondants ;
- isoler sur le plan comptable certaines activités en matière d'interconnexion ou d'accès.
S'agissant de l'accès, l'Autorité peut imposer à un opérateur réputé exercer une influence significative de faire droit aux demandes raisonnables, notamment lorsqu'elle considère qu'un refus ou des propositions déraisonnables empêcheraient l'émergence d'un marché de détail concurrentiel durable ou risqueraient d'être préjudiciables aux utilisateurs finals.

Dans ce cadre, l'ART peut préciser les contours de l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès en imposant certains des mécanismes spécifiques qui figurent notamment à l'article D. 310 du code des postes et des communications électroniques.
En outre, lorsque l'Autorité apprécie le caractère proportionné des obligations d'accès qu'elle est susceptible d'imposer, elle veille notamment à prendre en compte les critères d'analyse suivants mentionnés à l'article L. 38 V du code des postes et des communications électroniques :
a) La viabilité technique et économique de l'utilisation ou de la mise en place de ressources concurrentes, compte tenu du rythme auquel le marché évolue et de la nature et du type d'interconnexion et d'accès concerné.
b) Le degré de faisabilité de la fourniture d'accès proposée, compte tenu de la capacité disponible.
c) L'investissement initial réalisé par le propriétaire des ressources, sans négliger les risques inhérents à l'investissement.
d) La nécessité de préserver la concurrence à long terme.
e) Le cas échéant, les éventuels droits de propriété intellectuelle pertinents.
f) La fourniture de services paneuropéens.
Enfin, en ce qui concerne le dégroupage, en conformité avec l'article 9.4 de la directive « accès » susvisée, l'article D. 308 du code des postes et des communications électroniques dispose que lorsqu'un opérateur est « tenu de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à la boucle locale à paire torsadée métallique en application de l'article D. 310, il publie une offre technique et tarifaire pour l'accès à la boucle locale ». Ce même article précise ensuite les éléments minimaux qui doivent se retrouver dans cette offre.
En toute hypothèse et quelles que soient les obligations qui peuvent être imposées, celles-ci doivent être proportionnées aux objectifs généraux fixés à l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques, à savoir :
« 1° A la fourniture et au financement de l'ensemble des composantes du service public des communications électroniques.
2° A l'exercice au bénéfice des utilisateurs d'une concurrence effective et loyale entre les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques.
3° Au développement de l'emploi, de l'investissement efficace dans les infrastructures, de l'innovation et de la compétitivité dans le secteur des communications électroniques.
4° A la définition de conditions d'accès aux réseaux ouverts au public et d'interconnexion de ces réseaux qui garantissent la possibilité pour tous les utilisateurs de communiquer librement et l'égalité des conditions de la concurrence.
5° Au respect par les opérateurs de communications électroniques du secret des correspondances et du principe de neutralité au regard du contenu des messages transmis, ainsi que de la protection des données à caractère personnel.
6° Au respect, par les exploitants de réseau et les fournisseurs de services de communications électroniques de l'ordre public et des obligations de défense et de sécurité publique.
7° A la prise en compte de l'intérêt des territoires et des utilisateurs, notamment handicapés, dans l'accès aux services et aux équipements.
8° Au développement de l'utilisation partagée entre opérateurs des installations mentionnées aux articles L. 47 et L. 48.
9° A l'absence de discrimination, dans des circonstances analogues, dans le traitement des opérateurs.
10° A la mise en place et au développement de réseaux et de services et à l'interopérabilité des services au niveau européen.
11° A l'utilisation et à la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation.
12° A un niveau élevé de protection des consommateurs, grâce notamment à la fourniture d'informations claires, notamment par la transparence des tarifs et des conditions d'utilisation des services de communications électroniques accessibles au public.
13° Au respect de la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, des mesures qu'ils prennent.
14° A l'intégrité et la sécurité des réseaux de communications électroniques ouverts au public. »


II. - ANALYSE DE L'AUTORITÉ


Compte tenu de la situation concurrentielle observée sur le marché de gros des offres d'accès dégroupé à la boucle locale cuivre et à la sous-boucle locale cuivre, l'Autorité est amenée à imposer plusieurs obligations à France Télécom, établies au terme de l'analyse suivante.


II-A. - Obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès


L'article L. 38-I (3°) du code des postes et des communications électroniques prévoit que l'ART peut imposer des obligations d'accès à un opérateur disposant d'une influence significative sur un marché pertinent. Conformément à l'article D. 310 du code, elles peuvent notamment prendre la forme d'une obligation d'accorder à des tiers l'accès à des éléments ou ressources de réseau spécifiques, de négocier de bonne foi avec les opérateurs ou encore de ne pas retirer un accès déjà accordé.


II-A-1. Obligation générique


La boucle locale cuivre constitue un point de passage incontournable vers l'abonné final.
L'opérateur qui dispose de la paire de cuivre bénéficie d'un lien contractuel direct avec l'abonné et bénéficie ainsi d'un effet de levier puissant pour la fourniture de services sur les marchés aval.
De plus, il contrôle alors un maillon essentiel à la construction technique du produit final, nécessaire pour bénéficier d'une forte capacité de différenciation. Dans les technologies DSL notamment, l'opérateur ne peut installer, opérer et paramétrer ses propres DSLAM, et par là même proposer des services différenciés, que s'il a accès à la paire de cuivre.
Comme cela a été montré dans la décision n° 2005-0275 « délimitation du marché et opérateur puissant », la réplication par un opérateur nouvel entrant de l'infrastructure de boucle locale cuivre à grande échelle est très peu probable à l'horizon de l'analyse. Dans ces conditions, l'Autorité constate que l'accès à la boucle locale existante de France Télécom est indispensable pour les opérateurs qui souhaitent augmenter leur capacité de différenciation et d'innovation en utilisant le plus possible leur propre réseau.

Cet accès direct à la boucle locale permet de plus le développement d'une concurrence pérenne par le déploiement d'infrastructures alternatives sur l'intégralité du territoire.
Enfin, au plan technique, les prestations d'accès à la boucle locale sont très proches des opérations techniques que France Télécom réalise pour ses propres besoins pour raccorder des nouveaux abonnés au service téléphonique ou aux offres d'accès DSL, ce qui démontre la faisabilité de cet accès.
Il ressort de ces éléments que les critères cités aux alinéas a, b et d de l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques sont ainsi vérifiés.
Par ailleurs, un certain nombre de prestations complémentaires et de moyens associés à l'accès (cohabitation des équipements, raccordements aux sites de France Télécom, etc.) est nécessaire pour rendre l'accès à la boucle locale effectif, dans des conditions économiquement viables.
Ces prestations (cf. infra) sont des moyens associés à l'accès sur le marché du dégroupage et ne constituent pas des marchés pertinents distincts, en ce qu'elles sont nécessaires pour rendre effectif l'accès des opérateurs alternatifs à la boucle locale et poursuivent le même but.
S'agissant de l'accès à ces prestations connexes, les critères cités aux alinéas a et d de l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques sont ainsi vérifiés.
Au vu des éléments d'analyse qui précèdent, l'Autorité estime qu'il est nécessaire d'imposer à France Télécom l'obligation de faire droit sur le présent marché de l'accès dégroupé à la boucle locale aux demandes raisonnables des opérateurs tiers visant à obtenir l'accès à des éléments de réseaux ou à des moyens et ressources associés sur le marché du dégroupage.
Dans ce cadre, France Télécom devra négocier de bonne foi avec les opérateurs qui demandent l'accès sur ce marché, afin de minimiser les cas de litige.
En l'absence de mesure moins contraignante pour France Télécom qui permettrait d'atteindre le même but, les prescriptions sont proportionnées tant aux critères énoncés dans l'article L. 38-V qu'aux objectifs de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques précité, en particulier les 3° et 4°.
Au demeurant, il convient de noter que l'obligation d'accès à la boucle locale et aux ressources connexes imposée par le règlement européen 2887/2000 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2000 relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale demeure en vigueur dans la mesure où ce texte n'a pas été modifié ni abrogé par le nouveau cadre communautaire des communications électroniques.


II-A-2. Précision de l'obligation


Le caractère raisonnable d'une demande d'accès formulée par un opérateur devra être apprécié au regard de la proportionnalité entre les contraintes économiques et techniques d'une telle demande pour France Télécom et le bénéfice attendu pour la résolution d'un problème concurrentiel particulier ou plus généralement pour le fonctionnement du marché du dégroupage.
A cette fin, il devra être tenu le plus grand compte des éléments d'appréciation retenus dans le code des postes et des communications électroniques dans son article L. 38-V.
En particulier, l'Autorité observe que l'une des caractéristiques structurantes du dégroupage est d'assurer aux opérateurs une forte indépendance des choix technologiques de France Télécom et de leur permettre ainsi de préserver leur capacité d'innovation. Les modalités de l'accès dégroupé ne doivent pas venir limiter artificiellement la possibilité pour les opérateurs de proposer des offres innovantes par rapport aux offres du groupe France Télécom.
Compte tenu du développement actuel du marché et des offres, il apparaît d'ores et déjà que certaines demandes d'accès doivent être considérées comme raisonnables ; il convient donc, conformément à l'article D. 310, de préciser plusieurs obligations qu'il apparaît nécessaire d'imposer à France Télécom sur le marché du dégroupage.


II-A-2-a. Prestations existantes


L'accès dégroupé à la boucle locale fait l'objet d'une offre de référence depuis 2001 en vertu de l'ancien article D. 99-23 du code des postes et des télécommunications mais également du règlement européen précité. De nombreuses prestations d'accès à la boucle locale, à la sous-boucle et aux ressources connexes y sont déjà incluses. Cette offre de référence modifiée a permis le développement de ce marché et son essor progressif. Ainsi les opérateurs alternatifs ont désormais recours à cette offre à grande échelle : près de 1,6 million d'accès étaient dégroupés au 1er janvier 2005.
Toute remise en cause ou évolution artificielle à court terme de ces prestations serait une source de déstabilisation technique, économique et commerciale des opérateurs, nuisible à la pérennité de leur plan d'affaires et, in fine, au marché et au développement de l'Internet haut débit en France.
Le maintien des prestations existantes est donc un élément indispensable tant pour assurer la pérennité des plans de développement des opérateurs que pour promouvoir l'objectif d'intérêt général de développement de la société de l'information. Ce maintien doit être assuré sans coût supplémentaire ou frais de migration.
Le maintien des prestations déjà proposées aux opérateurs se fonde sur les dispositions des 1° et 3° de l'article D. 310 du code des postes et des communications électroniques. En l'absence de moyen moins contraignant permettant de rendre possible l'exercice d'une concurrence effective entre les opérateurs sur les marchés de détail à l'échelle du territoire national et dans l'intérêt des utilisateurs, conformément aux objectifs mentionnés au 2° du II de l'article L. 32-1 et D. 310 du code des postes et des communications électroniques et compte tenu du b du V de l'article 38 relatif au degré de faisabilité de la fourniture des accès concernés, la mesure est proportionnée au but poursuivi.


II-A-2-b. Accès total et partagé à la boucle locale et à la sous-boucle locale


Conformément à la définition du marché pertinent sur lequel portent les obligations imposées dans la présente décision, l'obligation de faire droit aux demandes raisonnables d'accès concerne plusieurs modalités de dégroupage :
- dégroupage total et dégroupage partiel ;
- à la boucle locale et à la sous-boucle locale.
Ainsi, l'accès à ces différentes modalités de dégroupage doit être proposé par France Télécom. Ces obligations sont par ailleurs déjà imposées à France Télécom en vertu du règlement européen précité. Enfin, elles le sont également en vertu de l'article D. 308 du code des postes et des communications électroniques (cf. partie infra).
Nonobstant leur appartenance à un marché pertinent unique, ces différentes modalités de dégroupage peuvent présenter des spécificités fortes, en termes opérationnels notamment. Ainsi, les modalités d'accès à ces différents modes de dégroupage et aux ressources connexes devront être adaptées à ces spécificités.


II-A-2-c. Offre professionnelle et offre résidentielle


Les opérateurs alternatifs développent des offres de détail d'accès large bande à la fois pour la clientèle résidentielle et pour la clientèle professionnelle. France Télécom propose elle aussi ces deux types de solutions, à travers Transpac s'agissant de la clientèle professionnelle, et Wanadoo ou la marque France Télécom pour les résidentiels. Ces deux types d'offres, si elles correspondent à des prestations techniques voisines, se distinguent nettement en termes d'options ou caractéristiques additionnelles, notamment en termes de qualité de service et de garantie du débit.
La qualité de service doit être présente à chaque étape de la chaîne technique : pour un opérateur alternatif, elle dépend à la fois des services et paramètres qu'il contrôle lui-même, et de la qualité de service propre de l'offre de gros de France Télécom.
Ainsi, afin de pouvoir commercialiser leurs produits auprès de clients résidentiels et professionnels et concurrencer les offres aval de France Télécom, les opérateurs alternatifs doivent bénéficier d'offres de gros répondant aux besoins de ces deux types de clientèles, résidentielle et professionnelle.
Pour France Télécom, la fourniture de ces deux types d'offres de gros ne constitue pas une obligation disproportionnée. En effet, le réseau sous-jacent à la fourniture de ces deux catégories d'offres est le même, seuls diffèrent les niveaux de qualité de service, notamment les temps de rétablissement des signalisations. Or, France Télécom bénéficie de ces options de qualité de service renforcées pour ses propres filiales.
De plus, France Télécom propose d'ores et déjà des options de qualité de service pour le dégroupage adaptées à la clientèle professionnelle (GTR 4H notamment).
Il ressort de ces éléments que les critères cités aux alinéas a et b de l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques sont ainsi vérifiés. En tenant compte de ces éléments, l'Autorité estime que cette obligation n'est pas disproportionnée au regard des objectifs poursuivis, en particulier d'égalité des conditions de concurrence et de développement de la compétitivité, et des contraintes qu'elle fait peser sur France Télécom.
Par suite, conformément à l'article D. 310 (1° et 3°) du code, l'Autorité estime qu'il est nécessaire que la société France Télécom propose une offre résidentielle et une offre professionnelle aux opérateurs avec pour cette dernière des options de qualité de service renforcée pour le dégroupage, adaptées aux exigences de qualité de service de la clientèle entreprise.


II-A-2-d. Dégroupage total par reprise de ligne et par construction de ligne


Le réseau de boucle locale de France Télécom comporte deux types de paires de cuivre présentant une continuité métallique de bout en bout : celles qui supportent un service de communications électroniques et celles qui sont inactives, suite à un déménagement par exemple. Par ailleurs, le réseau de boucle locale de France Télécom comprend des tronçons de paires de cuivre qui, s'ils sont aboutés, constituent une nouvelle paire de cuivre. La création d'une telle nouvelle paire de cuivre peut nécessiter, le cas échéant, dans la seule partie branchement, le déploiement d'un câble supplémentaire.
Ces trois types de paires de cuivre doivent être accessibles au dégroupage total. Comme pour les autres modalités de l'accès dégroupé, un opérateur alternatif ne peut mettre en place dans des conditions économiquement viables des ressources concurrentes au réseau d'accès cuivre de France Télécom.
De plus, France Télécom utilise pour ses propres besoins ces trois types de paires de cuivre. Notamment, les paires inactives sont utilisées en cas d'emménagement d'un nouveau client dans le local desservi. Des paires inactives ou des paires créées par aboutement de tronçons existants sont aussi utilisées par France Télécom pour produire l'offre Turbo DSL.
En outre, l'accès dégroupé aux paires inactives est indispensable pour garantir l'égalité des conditions de concurrence entre France Télécom et les opérateurs du dégroupage dans le cas où un client emménage dans un nouveau local et souhaite s'abonner à des services de communications électroniques filaires.
Enfin, l'accès dégroupé aux paires ne supportant pas de service et aux paires créées par aboutement de tronçons est indispensable pour permettre à un opérateur d'utiliser la technologie SDSL sur plusieurs paires. En effet, cette technologie, utilisée par France Télécom dans l'offre Turbo DSL, nécessite plusieurs paires pour un même client final pour atteindre des débits élevés ; elle est particulièrement pertinente pour le marché entreprises, puisqu'elle permet des débits symétriques importants.
Un refus de fournir des accès à la boucle locale constitués par des tronçons de paires existants ou ne nécessitant que le déploiement d'une capacité en branchement ne pourrait être justifié au regard de la faisabilité technique puisque France Télécom en réalise pour ses propres besoins.
Il ressort de ces éléments que les critères cités aux alinéas a, b et d de l'article L. 38-V du code des postes et des communications électroniques sont ainsi vérifiés.
Par conséquent, eu égard aux conséquences sur la concurrence, notamment pour les services aux clients professionnels, il y a lieu pour l'Autorité d'imposer à France Télécom de prévoir dans son offre de référence, comme elle le fait déjà, les prestations suivantes :
- accès totalement dégroupé aux paires qui supportent un service de communications électronique ;
- accès totalement dégroupé aux paires inactives, préexistantes de bout en bout ;
- accès totalement dégroupé à des paires nouvelles créées entre le répartiteur principal et le point de terminaison du réseau dans les locaux de l'abonné. La création de ces paires nouvelles est effectuée par l'aboutement de tronçons existants et peut nécessiter, le cas échéant, dans la seule partie branchement, le déploiement d'un câble supplémentaire.
Au regard de l'objectif poursuivi et visant à établir les conditions d'égalité des opérateurs dans la concurrence, et en tenant compte des éléments mentionnées aux a, b et d du V de l'article 38, la mesure constitue le minimum nécessaire pour atteindre les objectifs développés ci-dessus et est ainsi proportionnée.


II-A-2-e. Migrations vers le dégroupage


Les évolutions technologiques, les choix d'architecture de réseaux, les besoins spécifiques de leurs parcs d'abonnés ainsi que le développement de la concurrence sur les marchés de gros du haut débit peuvent amener opérateurs et FAI à se reporter vers de nouvelles offres de gros.
L'existence d'offres de migration permettant à un opérateur de faire évoluer efficacement un ensemble d'accès d'une offre de gros de France Télécom vers le dégroupage est une condition nécessaire à la fluidité du marché et à l'établissement d'une réelle dynamique de la concurrence. Elle étend en effet la concurrence au parc existant, au-delà du flux de nouveaux abonnés. Elle est stratégique pour l'extension de la couverture du dégroupage, puisqu'elle permet aux opérateurs d'attendre d'avoir atteint une masse critique sur une zone donnée avant d'investir sur cette zone dans des infrastructures de dégroupage.
Cette migration de l'accès doit être la plus transparente possible pour l'abonné final, afin de préserver les intérêts des consommateurs tout en permettant à la concurrence de se développer. Le processus de migration mis en place doit donc viser à synchroniser les différentes opérations techniques et logicielles afin de garantir des délais de coupure les plus courts possible.
L'offre de migration telle qu'elle existe déjà dans l'offre de référence pour l'accès à la boucle locale de France Télécom est très proche techniquement de l'opération de dégroupage elle-même ; sa spécificité est de devoir être faite dans un temps court pour minimiser la coupure de service téléphonique du client. Imposer à France Télécom de proposer une telle offre de migration pour le dégroupage ne représente donc pas de contrainte technique disproportionnée.
Ainsi, en application des dispositions de l'article D. 310 (1°) du code, l'Autorité considère que la société France Télécom doit proposer aux opérateurs des offres de migration des offres de gros d'accès large bande vers le dégroupage.
De même, compte tenu de l'intérêt croissant des opérateurs pour les nouveaux modes de dégroupage appliqués sur le marché résidentiel, tels que l'accès total ou l'accès à la sous-boucle, France Télécom doit prévoir des offres de migration adaptées entre les différents modes de dégroupage.
Il résulte de ce qui précède que cette obligation n'est pas disproportionnée, compte tenu des éléments mentionnés aux a, b et d du V de l'article 38 et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre les objectifs poursuivis, en particulier ceux visés à l'article L. 32-1 (II) du code, de promotion des investissements efficaces dans les infrastructures, de compétitivité ainsi que de protection des consommateurs.


II-A-2-f. Dégroupage total par transfert de ligne avec portabilité du numéro


La capacité pour un opérateur alternatif à demander, lors du dégroupage total d'une ligne active qui supporte un service téléphonique, la portabilité du numéro de téléphone est une condition nécessaire à la fluidité du marché et à l'établissement du jeu de la concurrence. Un changement de numéro peut en effet constituer un frein important au changement d'opérateur. La portabilité des numéros en cas de changement d'opérateur est par ailleurs un droit reconnu aux abonnés par l'article L. 44 du code des postes et des communications électroniques.
Cette portabilité doit donc se faire dans les conditions les plus transparentes possible pour l'abonné final changeant d'opérateur : les processus de dégroupage total et de portabilité doivent donc être synchronisés, afin que le délai de coupure du service téléphonique soit le plus court possible.
L'absence de garantie d'un délai de coupure maximal pourrait être fortement préjudiciable à l'attractivité des offres de dégroupage total pour les consommateurs et donc au développement du dégroupage total dans les prochaines années en France.
La synchronisation entre différentes opérations techniques mentionnée ici représente une contrainte technique limitée pour France Télécom : il s'agit d'optimiser et d'organiser ses processus pour permettre cette synchronisation, ce qui est au demeurant une opération couramment proposée par France Télécom dans le cadre d'accords commerciaux de détail, par exemple dans certains cas de déménagements.
Au regard des critères énumérés à l'article L. 38-V, notamment aux a et d, et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre le même but, l'Autorité considère comme proportionné, eu égard aux objectifs précités de l'article L. 32-1 (II) du code et notamment celui de protection des consommateurs, que France Télécom propose aux opérateurs un processus effectif de synchronisation du dégroupage total et de la portabilité du numéro, et s'engage à garantir un délai de coupure maximum, permettant de minimiser le délai de coupure du client final.


II-A-2-g. Prestations connexes liées à la cohabitation


L'offre de gros d'accès à la boucle locale et à la sous-boucle ne peut être opérationnelle que si elle est accompagnée de prestations connexes adaptées, nécessaires à son utilisation par les opérateurs alternatifs.


II-A-2-g-(i). Offres de cohabitation physique des équipements


Un opérateur alternatif qui souhaite exploiter des accès dégroupés doit être en mesure de pouvoir installer ses équipements de réseau en bout de ligne, c'est-à-dire au niveau des répartiteurs ou des sous-répartiteurs de France Télécom. Il est alors nécessaire que l'opérateur historique propose aux opérateurs alternatifs une offre de cohabitation physique de leurs équipements dans ses propres sites. En l'absence d'une telle offre, l'obligation de fournir un accès à la boucle locale serait vidée de son sens puisque aucun opérateur ne pourrait accéder à l'extrémité de cette boucle locale pour y placer ses équipements de réseau.
L'obligation de fournir des emplacements de cohabitation physique des équipements ne peut cependant être uniforme, et doit tenir compte des réalités techniques et économiques des différents sites sur lesquels ces emplacements peuvent être proposés.
Les possibilités et conditions de cohabitation dans les sites de France Télécom diffèrent fortement d'un site à l'autre. De plus, les modalités de cohabitation des équipements et les coûts afférents peuvent avoir un impact fort sur le déploiement des opérateurs.
Dans ces conditions, et au regard de l'historique du dégroupage, il apparaît nécessaire pour assurer la proportionnalité de l'obligation que l'offre de référence prévoit plusieurs types de cohabitation adaptés aux différents types de sites existant sur le terrain.
Les salles de cohabitation et les espaces dédiés sont adaptés aux plus grands sites. En outre, les espaces dédiés correspondent à une solution plus efficace économiquement, en limitant les investissements consentis exclusivement pour le dégroupage.

Ces solutions apparaissent cependant comme inadaptées pour la plupart des petits sites de France Télécom, typiquement les répartiteurs de moins de 5 000 lignes et les sous-répartiteurs, pour lesquels seules des solutions permettant une plus grande mutualisation de l'espace et des ressources disponibles entre les différents opérateurs, y compris France Télécom, peuvent être mises en place.
France Télécom doit rechercher pour chaque type de site la solution de cohabitation qui tient compte des contraintes et spécificités techniques du site.
Au regard des éléments mentionnés à l'article L. 38 V, notamment aux a, b, c et d, et conformément aux objectifs imposés par l'article L. 32-1 (II) du code, et en particulier les 2°, 3° et 4°, et en l'absence de mesures moins contraignantes qui permettraient d'atteindre le même but, l'Autorité considère comme proportionné que France Télécom propose une offre de cohabitation physique des équipements des opérateurs alternatifs, adaptée à chaque type de site, comprenant a minima :
- une offre d'emplacements en salles de cohabitation ;
- une offre d'emplacements en espaces dédiés dans les bâtiments de France Télécom ;
- une offre de cohabitation physique adaptée aux sites de moins de 5 000 lignes et permettant un degré satisfaisant de mutualisation ;
- une offre de cohabitation physique adaptée aux sous-répartiteurs, lorsqu'une telle offre est possible, dans des conditions non discriminatoires par rapport à ce que France Télécom utilise pour elle-même. Dans le cas contraire, une offre de colocalisation distante sera proposée.


II-A-2-g-(ii). Equipements et fonctions autorisés


France Télécom est tenue de proposer des solutions de cohabitation dans ses sites en tant que prestation connexe au dégroupage. Dans ces conditions, l'offre de dégroupage doit préciser quels équipements et fonctionnalités sont autorisés dans ces solutions de cohabitation.
Du fait de l'obligation de non-discrimination à laquelle France Télécom est soumise par ailleurs (cf. paragraphe II-B de la présente décision), elle devra notamment autoriser l'installation des équipements et fonctionnalités indispensables aux opérateurs alternatifs pour pouvoir répliquer, dans des conditions non discriminatoires, les offres que France Télécom propose sur les marchés aval.
De façon plus générale, les demandes d'autorisation d'équipements ou fonctionnalités dans les différentes solutions de cohabitation devront être évalués au regard des critères de l'article L. 38-V et des objectifs de régulation imposés par l'article L. 32-1 (II) du code, en veillant notamment au respect de l'obligation de non discrimination, à la recherche de l'efficacité économique et au développement de l'innovation.
Notamment, dans une perspective d'efficacité, la mutualisation des ressources déployées sur un site, au titre du dégroupage, des offres de gros d'accès large bande et des prestations d'interconnexion ou de dégroupage, doit être favorisée afin de ne pas dupliquer inutilement les ressources.
En effet, cette mutualisation est source d'économie de ses ressources pour France Télécom. Elle améliore l'efficacité économique du dispositif mis en place pour l'ensemble des opérateurs.
De même, il est souhaitable pour favoriser l'efficacité des investissements dans les infrastructures de permettre la mutualisation d'équipements entre différents opérateurs. Cette mutualisation minimise les ressources mobilisées par France Télécom pour le compte des opérateurs alternatifs et permet une réduction des coûts au bénéfice de l'ensemble des acteurs, y compris France Télécom.
Au regard tant des critères énumérés à l'article L. 38-V, notamment aux b et d, que des objectifs de régulation imposés par l'article L. 32-1 (II) du code et en particulier celui de veiller à l'investissement efficace dans les infrastructures, l'autorité considère comme proportionné que France Télécom fasse droit aux demandes raisonnables des opérateurs d'hébergement des équipements et fonctionnalités, dans le respect notamment de l'obligation de non-discrimination (cf. partie II-B). Elle constitue, au regard de la contrainte imposée à France Télécom et des objectifs poursuivis, le minimum nécessaire pour rendre effective l'obligation de fournir une prestation connexe au dégroupage de colocalisation des équipements.


II-A-2-g-(iii). Offre de localisation distante


L'offre de localisation distante, consistant au renvoi des câbles vers un espace qui n'est plus géré par France Télécom, permet aux opérateurs alternatifs de bénéficier d'une indépendance totale vis-à-vis de l'opérateur historique pour l'hébergement des équipements, l'alimentation en énergie, les conditions environnementales et l'accès aux sites.
Cette offre peut en outre constituer une solution alternative aux offres de cohabitation physique précédemment citées quand le recours à ces dernières n'est pas techniquement ou économiquement envisageable pour l'opérateur alternatif.
Elle minimise les contraintes pesant sur France Télécom, puisque l'opérateur alternatif est dans cette situation totalement indépendant de France Télécom pour l'hébergement des équipements. Elle apparaît comme complémentaire aux offres de cohabitation physique, dans les sites particulièrement petits ou pour les opérateurs souhaitant avoir une grande liberté quant aux équipements hébergés en bout de ligne.
Au regard tant des critères énumérés à l'article L. 38-V, notamment aux b, c et d, que des objectifs de régulation imposés par l'article L. 32-1 (II) du code et en particulier celui de veiller à l'investissement efficace dans les infrastructures, l'autorité considère comme proportionné que France Télécom propose aux opérateurs une offre de localisation distante de leurs équipements de dégroupage dans des conditions techniques et économiques leur permettant la formulation d'offres de détail viables.


II-A-2-h. Offres de raccordement des répartiteurs dégroupés
II-A-2-h-(i). Obligation générique


Les coûts que doivent supporter les opérateurs alternatifs pour dégrouper la boucle locale afin de fournir des services haut débit aux clients finals se composent de deux principaux postes :
- le coût d'installation des équipements haut débit dans les sites de France Télécom. Ce poste comprend des reversements à France Télécom pour l'hébergement des équipements ainsi que le coût des matériels installés par les opérateurs ; le coût initial est d'environ 50 000 par site, auquel s'ajoute un coût mensuel de l'ordre de 1 000 ;
- le coût de raccordement du site au réseau fibre de l'opérateur, qui dépend de la distance et des contraintes locales ; en milieu urbain et périurbain, ce coût est de l'ordre de 200 000 par site ; il peut être inférieur quand plusieurs opérateurs partagent l'investissement.
Entre 2001 et fin 2004, les opérateurs alternatifs ont équipé environ 900 répartiteurs (1) en haut débit, dont la majorité est raccordée à leur réseau fibre. Cette couverture permet d'atteindre un peu plus de la moitié des ménages et des entreprises. Les opérateurs alternatifs ont suivi une stratégie de déploiement en débutant par les sites raccordant un grand nombre de lignes, typiquement plus de 50 000, puis ont raccordé progressivement des sites moins importants. Les derniers sites raccordés fin 2004 comptaient moins de 10 000 lignes principales.
Ce mouvement d'extension géographique progressive du dégroupage est de plus en plus difficile. En effet, dans les petits sites, les coûts fixes d'équipement, qu'ils soient initiaux ou récurrents, sont amortis sur un nombre réduit de clients. La rentabilité du dégroupage est alors plus faible et l'incitation à l'investissement moindre.
Si l'on ne considère que le premier poste de coûts cité ci-dessus, c'est-à-dire le coût d'équipement des répartiteurs en haut débit, hors coûts d'extension du réseau, il apparaît selon les modélisations réalisées par l'ART (2) qu'à fin 2004, environ 1 500 répartiteurs auraient pu être équipés par un opérateur alternatif disposant de 15 % de part de marché, étant donné que pour ces répartiteurs, le coût du dégroupage ramené à la ligne est en effet inférieur au tarif de l'accès des offres de gros de France Télécom livrées au niveau régional. Ce nombre de 1 500 pourrait augmenter progressivement, car l'augmentation tendancielle du taux de souscription des ménages au haut débit génère des économies d'échelle et les prix des équipements haut débit tendent à diminuer.
S'agissant du raccordement en fibre des petits sites, il apparaît en revanche être un facteur bloquant pour l'extension géographique du dégroupage dans les prochaines années. Sur les sites importants déjà raccordés, le coût du tirage de la fibre était amorti sur un grand nombre de clients. Par ailleurs, l'attractivité des grands sites est telle que plusieurs opérateurs alternatifs pouvaient être intéressés et ainsi partager les coûts de raccordement. Finalement, les plus grands répartiteurs étaient situés dans les grandes villes et préfectures, c'est à dire souvent proches des réseaux longue distance ou régionaux existants. A l'inverse, les petits sites tendent à être distants des réseaux existants, le coût de raccordement par client final potentiel est rédhibitoire, et peu d'acteurs sont susceptibles de dégrouper ces répartiteurs, diminuant donc la possibilité de co-investissement.
Ces considérations peuvent être résumées par le tableau suivant, issu de modélisations développées par l'ART (3). Il précise la longueur de réseau à déployer pour aller raccorder des répartiteurs supplémentaires par rapport à ceux actuellement touchés par le dégroupage. Les répartiteurs considérés dans cette modélisation sont les plus proches du déploiement actuel du dégroupage, et sont donc situés à quelques kilomètres des réseaux des opérateurs tiers. Ce tableau met en évidence que la longueur et donc le coût de réseau pour aller toucher un répartiteur supplémentaire croît de façon très marquée.