Vu les observations en défense, enregistrées le 27 août 2003, présentées par Electricité de France (EDF), établissement public à caractère industriel et commercial, inscrit au RCS de Paris sous le numéro B 552 081 317, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, représenté par M. Robert Durdilly, directeur d'EDF-GDF Services.
En premier lieu, EDF, gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité, fait valoir qu'il a été saisi d'une demande de raccordement d'une installation de production dont la puissance de production maximale installée est de 13,5 MW. Il considère que, pour instruire la demande de raccordement adressée par le SITOM Nord Isère, il convient d'appliquer seulement les dispositions du tableau figurant à l'article 4 de l'arrêté du 17 mars 2003 relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d'une installation de production d'énergie électrique, pris pour l'application du décret n° 2003-229 du 13 mars 2003. Or, il résulte de ces dispositions que seules les installations dont la puissance est inférieure ou égale à 12 MW sont désormais raccordées en haute tension du domaine A (HTA).
EDF relève que la tension de raccordement de référence d'une installation de production est fonction de la puissance de production maximale de l'installation. Il indique que la puissance limite maximale de production de l'installation doit être calculée en prenant en compte l'autoconsommation de l'usine d'incinération et qu'il convient, dans ces conditions, d'intégrer la puissance correspondante de 2 MW dans le calcul de la production nette maximale de l'installation.
En deuxième lieu, EDF soutient que le SITOM Nord Isère ne peut utilement invoquer l'application des dispositions de l'arrêté du 2 octobre 2001, qui a pour seul objet de définir les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations valorisant des déchets ménagers ou assimilés.
EDF indique qu'au demeurant, quand bien même ces dispositions seraient applicables, le SITOM Nord Isère devrait mentionner, en application du point 3 de l'article 2 de l'arrêté du 2 octobre 2001, une puissance de 13,5 MW et non de moins de 12 MW, compte tenu des caractéristiques principales de l'installation décrites dans le contrat d'achat, qui sont la puissance électrique active maximale de fourniture et, le cas échéant, la puissance électrique active d'auto-consommation définie comme la puissance électrique maximale produite par l'installation et consommée par le producteur pour ses besoins propres.
En troisième lieu, en réponse à l'argument du SITOM Nord Isère selon lequel le gestionnaire de réseau public de distribution conserverait, en tout état de cause, la possibilité de raccorder en HTA une installation de production dépassant 12 MW, EDF indique que cette possibilité ne saurait être mise en oeuvre lorsque la tension à laquelle l'utilisateur souhaite être raccordé est exploitée par le gestionnaire du réseau de transport. Il considère, en outre, que le maintien d'une faculté d'appréciation du domaine de tension de raccordement par le gestionnaire de réseau lui-même comporterait un risque de discrimination entre les utilisateurs du réseau.
Compte tenu de l'ensemble de ces considérations, EDF demande à la Commission de régulation de l'énergie de rejeter la demande du SITOM Nord Isère.
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Vu l'ensemble des dossiers remis par les deux parties ;
Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 relatif aux procédures applicables devant la CRE ;
Vu la décision du 15 février 2001 relative au règlement intérieur de la CRE ;
Vu la décision du 7 août 2003 du président de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la présente demande de règlement de différend ;
Vu le décret du 23 décembre 1994 approuvant le cahier des charges de la concession à EDF du réseau d'alimentation générale en énergie électrique ;
Vu le décret n° 2003-229 du 13 mars 2003 relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement aux réseaux publics de distribution ;
Vu le décret n° 2003-588 du 27 juin 2003 relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement au réseau public de transport de l'électricité ;
Vu l'arrêté du 17 mars 2003 relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement au réseau public de distribution d'une installation de production d'énergie électrique ;
Vu l'arrêté du 2 octobre 2001 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations qui valorisent des déchets ménagers ou assimilés.
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique devant la Commission ;
Après avoir entendu, le 1er octobre 2003, lors de la séance publique devant la Commission :
En présence de :
M. Jean Syrota, président, Mme Jacqueline Benassayag et MM. Bruno Lechevin, François Morin et Jacques-André Troesch, commissaires ;
M. Olivier Challan Belval, directeur général, Mme Gisèle Avoie, directrice juridique ;
MM. Didier Laffaille, rapporteur, et Christian Bossoutrot, rapporteur adjoint ;
MM. Louis Lavergne, Jean-Luc Bourdin et Eric Sageat, représentant le SITOM Nord Isère ;
MM. Jean-Claude Millien et Philippe Alaux, représentant EDF ;
Le rapport de M. Didier Laffaille, exposant les moyens et les conclusions des parties ;
Les observations de M. Louis Lavergne, pour le SITOM Nord Isère : le SITOM Nord Isère persiste dans ses conclusions et dans ses moyens ; il indique également que la puissance maximale de son installation de production sera, en l'état actuel du projet, de 14,5 MW ; il rappelle, en outre, qu'un raccordement sur le réseau HTB générerait un surcoût important pour l'établissement public ;
Les observations de M. Jean-Claude Millien, pour EDF : EDF persiste dans ses conclusions et ses moyens ; il soutient, en outre, que l'article 3 du décret du 13 mars 2003 n'est pas applicable au gestionnaire du réseau public de distribution, dès lors que la tension de raccordement de référence ne relève pas de la BT ou de la HTA ;
La Commission en ayant délibéré le 1er octobre 2003, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents de la Commission de régulation de l'énergie se sont retirés.
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Les faits :
Il ressort des pièces du dossier soumis à la Commission de régulation de l'énergie que la société Beture Environnement, maître d'oeuvre du SITOM Nord Isère, a adressé à EDF, gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité, le 12 juin 2003, une demande de raccordement de l'installation de production d'électricité d'une nouvelle usine d'incinération des ordures ménagères située à Bourgoin-Jallieu.
Le dossier communiqué à EDF à l'appui de cette demande de raccordement indiquait que la puissance active de production installée était de 13,5 MW et la puissance active maximale nette absorbée sur le réseau était de 11,5 MW.
Par courrier du 20 juin 2003, EDF a indiqué qu'il refusait d'instruire le dossier et transmettait la demande du SITOM Nord Isère au gestionnaire du Réseau du transport d'électricité (RTE). Il fonde cette décision sur le fait, d'une part, que la tension de raccordement de référence de l'installation de production doit être déterminée en fonction de la puissance de production maximale de l'installation, d'autre part, que la puissance de production maximale de l'installation envisagée excède le seuil de raccordement en HTA fixé à 12 MW par l'arrêté du 17 mars 2003.
Le SITOM Nord Isère, souhaitant, en raison du coût plus avantageux, être raccordé au réseau public de distribution en domaine de tension HTA, a accepté de modifier son projet d'installation, afin qu'il comporte une puissance active de production installée inférieure à 12 MW. Parallèlement, il a saisi la Commission de régulation de l'énergie, le 5 août 2003, d'une demande de règlement de différend, qui porte sur le refus opposé par EDF d'instruire sa demande de raccordement au réseau HTA.
Au cours de la séance de la Commission de régulation de l'énergie, le SITOM Nord Isère a indiqué que la puissance maximale de production de son installation avait été portée à 14,5 MW.
Sur la tension de raccordement de référence de l'installation en cause :
Le domaine de tension de raccordement d'une installation de production d'électricité est défini en appliquant les textes relatifs aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement à un réseau de distribution d'électricité ou au réseau de transport de l'électricité. Dans ces conditions, le SITOM Nord Isère ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'arrêté du 2 octobre 2001 fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations qui valorisent des déchets ménagers ou assimilés, qui concerne EDF, non pas en tant que gestionnaire de réseau public, mais en tant qu'un organisme chargé d'acheter de l'électricité dans le cadre des dispositions de l'article 10 de la loi du 10 février 2000 sur l'obligation d'achat.
L'article 4 de l'arrêté du 17 mars 2003, relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d'une installation de production d'énergie électrique, pris en application du décret du 13 mars 2003, prévoit que : « la tension de raccordement de référence est déterminée en fonction de la puissance de production maximale de l'installation conformément au tableau suivant :
Ce texte ne mentionne, pour la détermination de la tension de raccordement de référence, que la seule puissance de « production maximale » de l'installation. La circonstance, qu'en régime normal d'exploitation, la totalité de cette production ne sera pas injectée sur le réseau est donc sans incidence sur la détermination de la tension de raccordement de référence.
Au surplus, l'article 4 de l'arrêté du 4 juillet 2003, relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement au réseau public de transport d'une installation de production d'énergie électrique, pris en application du décret du 27 juin 2003, et qui entrera en vigueur le 1er décembre 2003, prévoit également que : « le domaine de tension de raccordement de référence d'une installation de production est déterminé en fonction de sa puissance active maximale conformément au tableau suivant :
La puissance active maximale ou puissance limite de l'installation de production, dans le cas de la présente demande de raccordement, correspond à la puissance limite du groupe de production installé sur le site du SITOM Nord Isère, c'est-à-dire, conformément aux définitions données à l'article 2 du décret du 13 mars 2003, à la puissance limite du générateur.
En l'espèce, EDF, gestionnaire de réseau public de distribution, a considéré, à juste titre, que la puissance maximale de production de l'installation, dont le raccordement était demandé, était de 13,5 MW à la date de la demande dont il a été saisi. Le SITOM Nord Isère ayant indiqué au cours de la séance publique de la Commission que cette puissance maximale avait été portée à 14,5 MW, c'est donc cette puissance maximale de 14,5 MW qui doit être retenue pour instruire la demande de raccordement du SITOM Nord Isère.
Sur le domaine de tension de raccordement devant être pris en considération pour le raccordement au réseau public de l'installation en cause :
L'article 3 du décret du 13 mars 2003, relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement aux réseaux publics de ditribution, dispose que : « le gestionnaire du réseau public de distribution doit garantir à tout utilisateur relevant de sa zone de desserte la possibilité de raccorder son installation au réseau public de distribution dans le domaine de tension égal ou inférieur à la tension de raccordement de référence de son installation ».
L'article 4 du décret du 27 juin 2003, relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement au réseau public de transport de l'électricité, dispose quant à lui que le gestionnaire du réseau public de transport doit : « raccorder les installations à son réseau en un point dont le domaine de tension est égal ou inférieur à leur tension de raccordement de référence ».
Il en résulte qu'un producteur d'électricité dispose d'un droit de raccordement de son installation de production dans le domaine de tension non seulement égal, mais aussi inférieur à la tension de raccordement de référence de son installation. Par conséquent, le SITOM Nord Isère avait droit, en application des dispositions réglementaires précitées, à être raccordé, soit au domaine de tension HTB 1, soit au domaine de tension HTA.
Il s'ensuit qu'EDF, gestionnaire de réseau public de distribution, lorsqu'il est saisi d'un demande de raccordement au réseau public d'une installation de production dont la puissance maximale de production est supérieure à celle fixée par l'arrêté du 17 mars 2003, a l'obligation d'instruire la demande de raccordement en vue de rechercher si le raccordement en HTA constitue une solution technique et financière raisonnable et au meilleur coût, tant pour le gestionnaire de réseau que pour le demandeur.
Dès lors, EDF, gestionnaire de réseau public de distribution, en se bornant à transmettre au gestionnaire du réseau public de transport la demande de raccordement présentée par le SITOM Nord Isère, sans procéder à l'instruction, ni statuer sur cette demande de raccordement au réseau HTA, a méconnu les obligations qui lui incombent en application des dispositions réglementaires précitées.
Dans les circonstances de l'espèce, il appartient donc à EDF, gestionnaire de réseau public de distribution, de procéder à cette instruction et, en application de l'article 8.3 du cahier des charges de la concession à EDF du réseau d'alimentation générale en énergie électrique, de faire, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, une proposition au SITOM Nord Isère, concernant les modalités techniques et financières du raccordement qu'il sollicite.
La Commission de régulation de l'énergie rappelle à cet égard que le deuxième alinéa du II de l'article 2 de la loi du 10 février 2000 prévoit que les gestionnaires de réseaux doivent assurer « l'accès dans des conditions non discriminatoires aux réseaux publics de transport et de distribution » et que ces dispositions doivent être appliquées à la lumière de celles de la directive du 19 décembre 1996 qu'elles transposent et dont l'article 16 énonce que l'accès aux réseaux doit s'effectuer selon des « critères objectifs, transparents et non discriminatoires ». Elle rappelle également, qu'aux termes de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 : « tout refus de conclure un contrat d'accès aux réseaux publics est motivé et notifié au demandeur et à la Commission de régulation de l'énergie. Les critères de refus sont objectifs, non discriminatoires et publiés et ne peuvent être fondés que sur des impératifs liés au bon accomplissement des missions de service public et sur des motifs techniques tenant à la sécurité et la sûreté des réseaux, et à la qualité de leur fonctionnement ».
L'instruction de la demande du SITOM Nord Isère par EDF, gestionnaire de réseau public de distribution, devra donc être conduite dans le respect de ces règles,
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Décide :