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Article (Saisine complémentaire à la saisine du 3 décembre 1997, présentée par plus de soixante députés, en date du 4 décembre 1997, et visée dans la décision no 97-393 DC)

Article (Saisine complémentaire à la saisine du 3 décembre 1997, présentée par plus de soixante députés, en date du 4 décembre 1997, et visée dans la décision no 97-393 DC)

II. - Sur la taxe spécifique de 2,5 %

sur les ventes directes de produits pharmaceutiques

L'article 12 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 institue une taxe de 2,50 % sur les ventes directes de médicaments des laboratoires aux officines, au motif que les grossistes « jouent un véritable rôle de santé publique » et que la vente directe des laboratoires s'effectue au détriment des grossistes.

En vertu de cette loi, les laboratoires et les grossistes, bien qu'étant placés dans la même situation, ne seraient donc pas soumis au même régime fiscal.

Or, s'il appartient au législateur de déterminer l'assiette et le taux d'une imposition, il ne peut le faire que dans le respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle (no 82-152 DC, 14 janvier 1983, Rec. p. 13).

9. 1o La taxe instituée contrevient au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques, garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Cette différence de traitement n'est justifiée ni par une différence de situation ni par l'intérêt général.

10. En effet, les laboratoires et les grossistes sont placés dans une même situation (no 86-209 DC, 3 juillet 1986, Rec. p. 13).

Il convient de rappeler que, depuis le 1er janvier 1993, la distribution en gros des médicaments est organisée sur la base d'une directive 92/25/CEE du Conseil du 31 mars 1992 concernant la distribution en gros des médicaments à usage humain.

La directive subordonne l'exercice de la profession de grossistes en médicaments à la détention d'une autorisation administrative préalable (art. 1er, § 2, art. 3, § 1, de la directive). Or, en vertu du même texte, les laboratoires pharmaceutiques, fabricants, sont de plein droit titulaires de l'autorisation de distribuer en gros des médicaments (art. 3, § 3, de la directive).

Il en résulte que les laboratoires pharmaceutiques ont, de plein droit, la qualité de grossiste, au sens de la directive.

En conséquence, les grossistes et les laboratoires fabricants sont placés dans la même situation.

11. En outre, la directive les soumet aux mêmes obligations de service public.

Ainsi, au titre des obligations de service public auxquelles sont soumis tant les grossistes que les fabricants et leurs dispositaires qui exercent une activité de distribution en gros, figurent :

- l'obligation de garantir en permanence un assortiment de médicaments capables de répondre aux exigences d'un territoire géographiquement déterminé ;

- l'obligation d'assurer la livraison des fournitures demandées dans de très brefs délais sur l'ensemble dudit territoire (art. 1er, § 2, de la directive).

Il ressort donc très clairement des dispositions en cause que les fabricants, d'une part, et les grossistes, d'autre part, sont soumis aux mêmes obligations de service public, puisque les uns et les autres exercent une activité de distribution en gros de médicaments et que, dès lors, tous sont soumis, dans des conditions identiques, aux obligations prévues par la directive.

12. Dès lors, le critère de différenciation adopté par le législateur, fondé sur le rôle de protection de la santé publique joué par les grossistes et sur les obligations de service public auxquelles ils sont assujettis, est dépourvu de pertinence et est contraire aux textes de base qui organisent la profession.

Les obligations de service public ne peuvent, en l'espèce, justifier une quelconque différence de traitement entre grossistes et laboratoires, dans la mesure où ces deux catégories d'opérateurs sont soumis aux mêmes obligations.

Il s'ensuit que le fait d'assujettir les ventes directes effectuées par les laboratoires au versement d'une taxe que les grossistes ne subissent pas revient à ne pas les soumettre à la même charge fiscale, ce qui contrevient au principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques.

En effet :

- d'une part, aucune différenciation ne peut être opérée entre les ventes réalisées par l'intermédiaire d'un grossiste et les ventes réalisées directement par les laboratoires, dès lors que ces deux catégories d'opérateurs ont la qualité de grossistes et que, par suite, la différenciation en cause ne repose sur aucun élément objectif ;

- d'autre part, la différenciation opérée ne peut être justifiée par des considérations d'intérêt général, dès lors que les deux grandes catégories d'opérateurs en cause (à savoir les grossistes et les laboratoires pharmaceutiques) sont soumises aux mêmes obligations de service public.

De plus, le taux de 2,50 % - qui représente quelque 25 % de la marge - excède la faculté contributive des laboratoires assujettis et est, lui aussi, constitutif d'une violation du principe d'égalité devant les charges publiques.