Article (CONSEIL D'ETAT Avis rendu par le Conseil d'Etat sur des questions de droit posées par un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel (1))
1. Le II de l'article 13 de la loi du 26 juillet 1996 susvisée de réglementation des télécommunications abroge expressément les articles L.
69-1, L. 70 et L. 71 du code des postes et télécommunications qui prévoyaient que la dégradation ou la détérioration du réseau souterrain des télécommunications de l'exploitant public ou l'atteinte à son fonctionnement constituaient des contraventions de grande voirie. Le I de l'article 13 de la même loi institue une nouvelle infraction pénale en punissant d'une amende de 10 000 F le fait de déplacer, détériorer, dégrader de quelque manière que ce soit une installation d'un réseau de télécommunication ouvert au public ou de compromettre le fonctionnement d'un tel réseau. Il résulte de la combinaison de ces dispositions ainsi que des travaux préparatoires de cette loi que le législateur a entendu mettre fin de manière générale à la protection particulière dont bénéficiaient les biens de l'exploitant public France Télécom résultant de leur soumission au régime des contraventions de grande voirie. Par suite, les dispositions des articles R. 43 et R. 44 du code des postes et télécommunications qui prévoient, d'une part, que la dégradation d'une installation du réseau aérien des télécommunications de l'exploitant public doit être punie d'une amende et, d'autre part, que cette infraction est poursuivie et jugée comme en matière de grande voirie sont incompatibles avec les dispositions précitées de l'article 13 de la loi du 26 juillet 1996 et ne peuvent plus recevoir application à compter de l'entrée en vigueur de celles-ci. A compter de cette date, les atteintes au réseau aérien des télécommunications de France Télécom ne constituent plus une contravention de grande voirie.
2. Les dispositions précitées de l'article 13 de la loi du 26 juillet 1996 susvisée ont eu pour objet, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de mettre fin pour l'avenir à la protection particulière dont bénéficiaient les biens de l'exploitant public France Télécom et non d'organiser un transfert de compétence du juge administratif au juge judiciaire. Il suit de là que le juge administratif demeure compétent pour statuer sur les contraventions de grande voirie dont il a été saisi avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 1996 précitée tant au titre de l'action répressive qu'au titre de l'action domaniale.
3. Si les contraventions de grande voirie ne sont pas, compte tenu de leur objet et des règles de procédure et de compétence qui leur sont applicables, des contraventions de police, le principe selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination, s'appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée s'étend aux peines d'amende dont ces contraventions sont assorties. En effet, dès lors qu'elles présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent, ces amendes constituent, même si le législateur a laissé le soin de les prononcer au juge administratif, des sanctions soumises au principe de nécessité des peines tel qu'il résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon lequel « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». Il en résulte qu'en l'absence de dispositions transitoires qui auraient été prévues par la loi du 26 juillet 1996 susvisée les dégradations du réseau aérien des télécommunications de France Télécom dont le juge administratif a été saisi antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 1996 ne peuvent plus donner lieu à une condamnation répressive par le juge des contraventions de grande voirie après cette date.
En revanche, le fait que les dispositions répressives de l'article R. 43 du code des postes et télécommunications ne puissent plus recevoir application à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 1996 ne fait pas obstacle à ce que le juge administratif statue sur l'action en réparation des dommages causés au réseau aérien des télécommunications de France Télécom dont il a été saisi antérieurement à cette date.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Grenoble, au préfet de l'Isère, à France Télécom, à M. Akarsu et au ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.