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Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Saisine du Conseil constitutionnel en date du 29 novembre 1996, présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 96-384 DC)

Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Saisine du Conseil constitutionnel en date du 29 novembre 1996, présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 96-384 DC)

I. - Sur les dispositions à caractère rédactionnel


En bonne logique, on pouvait s'attendre à ce que le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne comportât que quelques articles, autant que l'antépénultième alinéa de l'article 34 de la Constitution mentionne de rubriques (conditions générales de l'équilibre, prévisions de recettes,
objectifs de dépenses). Pourtant, c'est un texte comptant dès l'origine 33 articles qui a été soumis au Parlement et la loi adoptée en contient finalement 41.
La loi de financement de la sécurité sociale pouvant contenir toute disposition affectant directement l'équilibre financier, il est considéré qu'entrent dans cette définition toutes les mesures, quel que soit leur impact, qui altèrent directement les recettes ou les dépenses.
Or il faut observer que ce choix, pour défendable qu'il est, a déjà en lui-même comme conséquence d'amener le législateur à prendre toutes sortes de mesures qui portent, en réalité, non pas sur le financement de la sécurité sociale mais sur la définition des assiettes les plus variées, la détermination des modalités de recouvrement, ou les conséquences à tirer de l'imposition simultanée de plusieurs types de prélèvements.
De ce fait, figurent dans la loi de financement de la sécurité sociale des dispositions dont certaines n'ont, avec son objet tel que précisé par la loi organique, qu'un lien ténu.
Mais, au-delà de cette première difficulté, se pose la question des dispositions strictement rédactionnelles.
Dans une interprétation rigoureuse de la loi organique, on est en droit de considérer que celles-ci qui, par définition, n'entrent pas dans le champ de l'article L.O. 111-3 précité, ne devraient en aucun cas être présentes dans cette loi.
Qu'il s'agisse de supprimer des références obsolètes (par exemple au 3o de l'article 13), de modifier d'autres références pour leur épargner cette même obsolescence (par exemple à l'article 9) ou encore de tirer les conséquences rédactionnelles, dans des textes autres que la loi de financement de la sécurité sociale (par exemple au 1o de l'article 12), des innovations décidées par cette dernière, ces mises à jour, pour utiles qu'elles soient,
n'affectent nullement, ni directement ni même indirectement, l'équilibre des régimes obligatoires de base, et n'améliorent pas davantage le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
On ne manquera certes pas d'objecter qu'il s'agit là d'un rigorisme excessif, nuisible aux nécessités élémentaires d'une confection législative de qualité et d'invoquer l'intérêt évident qui s'attache à ce que la loi procède aux toilettages que son adoption rend indispensables ou au moins opportuns.
Mais une telle argumentation se heurterait au constat de ce que cette rigueur a été légitimement voulue par le législateur organique, que le Conseil constitutionnel l'en a approuvé (décision 96/379 DC) et qu'il en résulte un champ étroitement défini dont les limites ne peuvent en aucun cas être repoussées.
A cela, on pourrait encore objecter, par un raisonnement analogique, que,
dans le domaine des lois de finances, l'article 42 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 n'a jamais été interprété comme faisant obstacle à des amendements rédactionnels (J. Charbonnel, « Rapport d'information sur la recevabilité financière des amendements », A.N. no 2064, 19 novembre 1971,
p. 52). Mais une telle analogie serait doublement infondée.
D'une part, en effet, le domaine des lois de financement de la sécurité sociale est défini de manière plus étroite que celui des lois de finances,
d'autre part, cette étroitesse est mise en oeuvre de manière plus stricte encore car si l'article 42 rendait irrecevables les amendements autres que ceux qu'il énonçait limitativement, le III de l'article L.O. 111-3 pourchasse toute disposition, qu'elle résulte d'un amendement ou qu'elle soit présente dans le projet initial, ce qui atteste d'une fermeté inusitée.
Or, ce qui rend cette fermeté indispensable, c'est la crainte que, dans le déroulement d'un débat obéissant à des règles particulières, des dispositions rédactionnelles ne dissimulent, même involontairement, des modifications de fond dans des législations et sur des objets sans rapport avec le domaine des lois de financement de la sécurité sociale. En outre, le risque se matérialiserait tôt ou tard qui ferait qu'une interprétation insuffisamment rigoureuse à l'origine amènerait, de proche en proche, à faire figurer dans ces textes des dispositions qui y auraient de moins en moins leur place, la frontière se déplaçant insensiblement, sans qu'il ne soit jamais plus possible d'en redessiner le tracé, faute de l'avoir fait en s'en tenant dès le début à celui imposé par la Constitution et la loi organique.
Quant au souci de bonne politique législative, il suppose justement, si des adaptations formelles ou rédactionnelles sont rendues nécessaires par une loi de financement de la sécurité sociale, qu'elles soient clairement opérées dans un texte distinct, portant justement diverses dispositions d'ordre social, ce qui donnerait enfin une véritable justification aux projets ainsi intitulés.
Au demeurant, le rapporteur devant l'Assemblée nationale, M. Bruno Bourg-Broc, n'a pas manqué de souligner lui-même que telle ou telle disposition ne modifiait en rien « les grandes lignes de l'équilibre financier » (par exemple à propos de l'article 9, CMP, rapport no 3149, p.
15).
Ainsi, doivent être disjoints de la loi qui vous est déférée, notamment :
- l'article 9 ;
- les 4o, 5o et 6o de l'article 10 ;
- les 1o, 2o et 4o de l'article 12 ;
- les 1o, 3o et 6o de l'article 13 ;
- les 1o et 3o de l'article 14 ;
- les V et VI de l'article 31 ;
- les III et VII de l'article 32 ;
- le I de l'article 33 ;
- le III de l'article 41.