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Article (Saisine du Conseil constitutionnel en date du 20 décembre 1995 présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 95-369 DC)

Article (Saisine du Conseil constitutionnel en date du 20 décembre 1995 présentée par plus de soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 95-369 DC)

VI. - Sur les articles 62 et 63 de la loi déférée


L'article 62 entend tirer les conséquences de l'annulation, par une décision rendue le 10 février 1995 par le Conseil d'Etat, d'un arrêté ministériel en date du 21 décembre 1992 fixant les conditions d'établissement et de perception de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne et prévoit donc d'autoriser la substitution aux titres de perception annulés de nouveaux titres concernant les années 1991 à 1995.
Il s'agit là d'une mesure portant sur un objet manifestement étranger au domaine des lois de finances, qui peuvent en vertu de l'article 1er de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 régir les « impositions de toute nature » mais en aucun cas des redevances qui ne constituent ni des impôts ni des taxes. Au demeurant, les redevances sont établies non par le législateur mais par décret...
Au surplus, malgré la formule « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée », l'article 62 de la loi déférée viole manifestement ladite chose jugée : la présentation du budget annexe de l'aviation civile fait apparaître que non seulement les 240 millions de francs nécessaires au remboursement des redevances indûment encaissées n'ont pas été budgétés - si bien que de surcroît ledit budget annexe est présenté dans des conditions contraires au principe de sincérité budgétaire et à l'obligation d'information du Parlement - mais encore le Gouvernement et l'administration persistent à calculer la redevance sur une base forfaitaire et non sur la base d'une contrepartie directe et proportionnelle au service effectivement rendu, ce qui a précisément constitué le principal motif d'annulation de l'arrêté.
L'article 62 ne saurait donc échapper à la censure.
Quant à l'article 63, lui aussi entend tirer les conséquences de l'annulation par une décision rendue par le Conseil d'Etat le 10 février 1995 d'un arrêté ministériel en date du 4 mars 1993 répartissant entre les entreprises de transport aérien des dépenses afférentes au contrôle technique d'exploitation qui ne concernaient pas spécialement chacune d'elles, et donc valider les titres de perception de cette redevance émis en 1990, 1991 et 1993 (pour un montant de 117 millions de francs).
A nouveau, de deux choses l'une :
- si le législateur entend ainsi (ré)instituer rétroactivement une redevance, l'article 63 est comme l'article 62 étranger au domaine de la loi de finances et sera censuré en tant que « cavalier budgétaire » ;
- s'il entend au contraire créer rétroactivement une taxe, il n'a pu le faire constitutionnellement sans en fixer lui-même le taux, si bien qu'alors l'article 63 est entaché d'« incompétence négative »... et viole de surcroît - et en tout état de cause - le principe d'universalité budgétaire dont on sait qu'il s'applique aussi à l'intérieur d'un budget annexe.
Dans un cas comme dans l'autre, la non-conformité à la Constitution de l'article 63 ne pourra qu'être constatée.
C'est pour l'ensemble de ces raisons que les députés soussignés ont l'honneur de vous demander, en application du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de déclarer non conforme à celle-ci l'ensemble de la loi qui vous est déférée et notamment ceux de ses articles et chapitres qui ont fait l'objet des développements qui précèdent.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le président, Madame et Messieurs les conseillers, l'expression de notre haute considération.
(Liste des signataires : voir décision no 95-369 DC.)