Article (CONSEIL CONSTITUTIONNEL Saisine du Conseil constitutionnel en date du 28 décembre 1994, présentée par soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 94-358 DC)
L. - Sur l'article 80
Cet article a quant à lui pour objet de modifier les articles L. 165-24, L. 165-25 et L. 165-28 du code des communes afin de faire en sorte que désormais toutes les communes membres d'une communauté urbaine soient représentées au sein du conseil de communauté. On remarquera que ce souci est radicalement contradictoire avec celui qui inspirait l'article 78 ( 2) précédemment critiqué...
Cette contradiction ne doit rien au hasard. L'article 80 est issu d'un amendement déposé à l'improviste (en première lecture) par trois sénateurs du Nord appartenant à l'actuelle majorité parlementaire et ne se cachant pas de chercher ainsi à renverser le rapport des forces au sein du conseil de la communauté urbaine de Lille. Cet objet est d'ailleurs clairement mentionné dans le rapport de la commission spéciale de l'Assemblée nationale (en deuxième lecture: document no 1724, page 226), qui relève par ailleurs fort justement que ledit article additionnel est « sans rapport avec l'objet du texte ».
On ne saurait en effet contester que les bornes de l'illogisme (apparent...) sont cette fois très nettement franchies, sauf à considérer que la loi déférée serait une loi « d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et pour la modification de l'équilibre politique au sein du conseil de la communauté urbaine de Lille », la conquête de la présidence de ce conseil par l'actuelle majorité étant ainsi élevée au rang d'objectif d'aménagement du territoire.
Ne serait-ce que pour préserver la dignité et la qualité du travail parlementaire, la censure de ce « cavalier législatif », adopté en violation encore plus flagrante que dans le cas précédent des articles 39 (alinéa 1) et 44 (alinéa 1) de la Constitution, est inévitable... d'autant plus que, très subsidiairement, la mesure adoptée accentue considérablement la surreprésentation des petites communes, fausse dans cette (large) mesure le principe d'équilibre démographique de la représentation (d'autant plus essentiel que le conseil de communauté vote des impositions et que dès lors l'exigence du consentement à l'impôt implique que la représentation des populations prime celle des territoires) et méconnaît en conséquence le principe constitutionnel d'égalité devant le suffrage.