Compte tenu de ce retard, l'EBIT (7) sur l'exercice 2019 estimé lors de la prévision réalisée en septembre 2019 s'établit à [SDA], contre [SDA] lors de la prévision de juin 2019 (8).
Ces mises à jour de perte de VMF sur la trajectoire budgétaire de la société Presstalis pour la fin de l'année 2019 font état d'un risque d'insolvabilité dès le 4e trimestre 2019.
Pour remédier à cette situation, la société Presstalis a déjà mis en œuvre un certain nombre d'actions, notamment :
- [SDA].
L'ensemble de ces mesures a permis d'éviter la cessation de paiement de la société Presstalis à la fin de l'année 2019. Elles ne semblent néanmoins pas suffisantes pour assurer la pérennité de l'activité de Presstalis sur 2020.
Les prévisions de 2020 fournies par la société Presstalis font, de fait, apparaître une situation financière préoccupante. En effet, après mise en œuvre des mesures évoquées ci-dessus le solde de trésorerie brut après leviers (9) serait de [SDA] en mars 2020 et de [SDA] en décembre 2020.
Une deuxième série de mesures est en conséquence envisagée par la société, notamment :
- [SDA].
Sous réserve qu'elles puissent être toutes effectivement réalisées, l'ensemble de ces mesures (ci-après « les options de court terme ») permettrait de stabiliser le solde de trésorerie brut après leviers de la société Presstalis à [SDA] en mars 2020 et à [SDA] en décembre 2020.
En complément de ces mesures, la société Presstalis a engagé des actions de plus long terme, [SDA]. Ces actions de plus long terme ne produiront en tout état de cause pas d'effet immédiat.
5.2. Une aggravation certaine de la situation économique de la société Presstalis liée à des départs supplémentaires d'éditeurs
La société Presstalis a reçu des préavis de la part d'un certain nombre d'éditeurs ayant déclaré leur intention de lui retirer la distribution de leurs titres de presse. Ces préavis arrivent à échéance principalement entre la fin du second semestre 2019 et la fin du premier semestre 2020 et représentent un montant cumulé de l'ordre de [SDA] de VMF selon les ventes de 2019, soit plus de [SDA] de son activité de distribution de magazine et plus de [SDA] de son activité en métropole.
A la suite de ces départs additionnels, cette perte potentielle significative de VMF se traduirait notamment par :
- une baisse des encours factors (10) à hauteur de [SDA] pour le premier trimestre 2020 et de [SDA] sur le besoin de trésorerie de 2020 ;
- une absence d'économies de coût à court terme qui, pour pouvoir être répercutées, nécessitent une adaptation du système de distribution (la plupart des coûts de la société Presstalis étant fixes) ;
- un potentiel effet retard sur l'EBIT qui continuerait à se dégrader en 2020.
L'ensemble de ces effets potentiels conduisent à un besoin de trésorerie supplémentaire de la société Presstalis égal à [SDA] pour le premier trimestre 2020, entrainant une potentielle situation de cessation de paiement.
Un potentiel départ des éditeurs ayant déposé un préavis ne laisse aucune perspective de solvabilité à court ou moyen terme pour la société Presstalis. Il se traduirait nécessairement par de nouveaux besoins significatifs de financement et aggraverait la situation économique - déjà précaire - de la société Presstalis. Un potentiel départ des éditeurs constituerait de surcroît un mauvais signal pour la société. Il compromettrait la possibilité pour cette dernière de trouver des financements.
5.3. Une déclaration de cessation de paiement de la société Presstalis risque de contraindre cette dernière à interrompre la distribution des quotidiens IPG
Si la société Presstalis devait se déclarer en cessation de paiement au cours des six prochains mois, la formation RDPI estime que la probabilité est forte, au regard des éléments précités et des analyses (11), que cette situation conduise à une liquidation judiciaire de la société Presstalis.
En effet, il apparait que les perspectives économiques tendancielles (12) de la société Presstalis envisagées pour l'année 2020 (13) sont comparables à celles de l'année 2017 (14).
Or les résultats économiques de l'année 2017 sont ceux qui laissaient craindre au CSMP (15) dans sa décision n° 2018-01 et au rapport de MM. Schwartz et Terraillot intitulé « Dix propositions pour moderniser la distribution de la presse » (16) qu'une procédure collective dont aurait fait l'objet la société Presstalis risque de déboucher très rapidement sur sa mise en liquidation judiciaire. Cette analyse a été par ailleurs reprise par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 16 mai 2019 relatif à la décision n° 2018-01 du CSMP (17).
Dans le cas où serait prononcée la liquidation judiciaire de la société Presstalis, celle-ci cesserait son activité, en particulier celle consistant à distribuer les quotidiens de la presse IPG dont les éditeurs ont choisi de grouper la distribution de ces titres en adhérant à la Coopérative de Distribution des Quotidiens (dont Aujourd'hui en France, La Croix, Les Échos, Le Figaro, Le Monde, Libération, L'Humanité, L'Opinion, Présent) (18).
5.4. L'absence d'alternative à la société Presstalis à court terme pour assurer la continuité de la presse quotidienne IPG
Il convient dès lors d'étudier les solutions qui permettraient aux éditeurs de presse IPG de poursuivre sans interruption la distribution de ces titres, dans l'hypothèse d'une cessation de l'activité de distribution de la presse par la société Presstalis, afin que les lecteurs puissent continuer à les acheter auprès des diffuseurs de presse.
Tout d'abord, en ce qui concerne la presse magazine IPG, la société MLP indique dans sa contribution à la consultation publique, qu'elle « serait immédiatement en mesure, en cas de menace, de distribuer l'ensemble de cette presse et donc d'assurer la continuité de sa distribution ».
Par conséquent, une alternative semble exister pour assurer la distribution des magazines IPG en cas de cessation de paiement de la société Presstalis sous réserve que la société MLP soit effectivement en mesure d'acheminer ces titres jusqu'aux diffuseurs des zones géographiques jusqu'alors exploitées par des filiales de la société Presstalis (notamment Lyon, Marseille, Toulouse).
En revanche, la formation RDPI n'identifie pas, à court terme, de solution alternative permettant d'assurer la distribution groupée de la presse quotidienne d'IPG, si la société Presstalis n'était plus en mesure d'assurer cette activité. Elle rejoint en cela l'analyse de la Cour d'appel de Paris qui avait souligné « que nul ne soutient que la société MLP, ou tout autre concurrent, disposerait des capacités pour reprendre aisément ou développer une activité aussi importante que celle de la société Presstalis […] » (19).
S'agissant de la liberté offerte, par l'article 3 de la loi Bichet, à toute entreprise de presse « d'assurer elle-même la distribution de ses propres journaux et publications périodiques », sa mise en œuvre nécessiterait que les entreprises de presse quotidienne IPG reconstituent chacune un outil industriel suffisamment performant pour répondre aux contraintes de la distribution de la presse quotidienne. La formation RDPI ne dispose d'aucun élément permettant de penser qu'un tel scénario puisse être crédible, ce d'autant que le volume de vente au numéro des quotidiens décroit d'environ 10% par an depuis 2012 (20).
Ainsi, en cas de cessation soudaine de l'activité de distribution des quotidiens par la société Presstalis à court terme, la formation RDPI n'a pas été en mesure d'identifier à ce jour de solution permettant de prendre le relais en évitant une interruption de la distribution de la presse quotidienne IPG.
6. Conclusion
En premier lieu, l'analyse de la situation financière actuelle de la société Presstalis montre qu'elle n'a pu échapper à la cessation de paiement fin 2019 que parce que [SDA].
En deuxième lieu, l'existence de préavis de départ d'éditeurs constitue en soi une menace supplémentaire sur la société Presstalis dans la mesure où ces préavis se traduiront par de moindre rentrées d'argent que prévues. Pour rappel, comme mentionné au paragraphe 5.1, la société Presstalis ne parviendrait à équilibrer ses besoins de financement pour 2020 qu'en bénéficiant de mesures exceptionnelles déjà identifiées, qui deviendraient insuffisantes avec des départs supplémentaires même si ces départs ne représentaient que quelques pourcents de son activité.
Or les préavis de départ reçus par la société Presstalis arrivant à échéance au cours des six prochains mois, comme précisé en section 5.2, représentent une perte de plus de [SDA] de l'activité métropolitaine de la société Presstalis et plus de [SDA] de l'activité magazine qui va s'ajouter à la baisse tendancielle du marché observée depuis plusieurs années.
Par conséquent, la formation RDPI estime que l'existence des préavis de départ, leur ampleur et l'incertitude qu'ils font peser sur les prévisions de la société Presstalis constituent un facteur aggravant susceptible de la précipiter vers la cessation de paiement en l'empêchant de trouver des solutions de financement et d'efficacité opérationnelle adaptées au cours des six prochains mois.
Par ailleurs, comme indiqué au point 5.4, la formation RDPI n'identifie pas de solution de court terme qui permettrait d'assurer la distribution groupée de la presse quotidienne d'IPG, si la société Presstalis n'était plus en mesure d'assurer cette activité.
En conclusion, au regard de ce qui précède, la formation RDPI considère que l'existence de préavis de départ, compte-tenu de la situation actuelle de la société Presstalis, engendre une menace d'atteinte grave et immédiate à la continuité de la distribution de la presse quotidienne IPG.
Dans ces conditions, la formation RDPI estime qu'il est nécessaire de prendre des mesures provisoires en vue d'assurer cette continuité.
A cette fin et au regard des éléments présentés ci-avant, il est justifié de suspendre pendant les six mois suivant la publication de la présente décision (ci-après « période de suspension »), le délai de l'ensemble des préavis de résiliation déposés auprès de la société Presstalis avant ou pendant cette période.
La formation RDPI considère, en effet, que la suspension des seuls préavis d'ores et déjà déposés n'est pas, compte-tenu de la situation exposée au point 5.1 ci-dessus, suffisante pour prévenir le risque de cessation de paiement de la société Presstalis, dans la mesure où d'autres dépôts de préavis pourraient survenir qui fragiliseraient à leur tour la société Presstalis. Il convient en conséquence de suspendre l'ensemble des préavis, y compris ceux qui viendraient à être déposés pendant la période de suspension définie dans la présente décision.
Ainsi, deux situations doivent être distinguées selon le moment du dépôt du préavis auprès de la société Presstalis :
- si le préavis a été déposé antérieurement à la période de suspension, la présente décision suspend le délai de préavis qui ne recommencera à courir qu'au terme de la période de suspension ;
- si le préavis est déposé durant la période de suspension définie dans la présente décision, le délai de préavis ne commencera à courir qu'au terme de cette période de suspension.
La formation RDPI a bien noté que cette mesure de suspension des délais de préavis peut avoir des impacts sur les éditeurs ou, plus généralement, sur les acteurs de la filière. Ces impacts potentiels ne sont cependant pas de nature à remettre en cause le bienfondé de la mesure adoptée.
Il résulte donc des éléments précédemment développés que la mesure est nécessaire et proportionnée au regard du risque que ferait courir une cessation de paiement de la société Presstalis sur la continuité de la distribution de la presse quotidienne IPG ainsi que sur l'ensemble des acteurs de la distribution de la presse. Eu égard à l'objectif poursuivi d'assurer la continuité de la distribution de la presse IPG, cette mesure limitée dans le temps ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle et à la liberté du commerce et de l'industrie et, comme certaines observations l'ont indiqué, ont pour objectif de permettre à la société Presstalis d'élaborer et mettre en œuvre des solutions pérennes.
Décide :