Dans sa saisine, la société CFA Atlantique estime qu'ERDF a manqué à son obligation de transmettre une offre de raccordement dans un délai de trois mois à compter de la date de qualification de la demande.
Selon elle, ERDF a confirmé le caractère complet de sa demande de raccordement à la date du 31 août 2010, ce qui l'obligeait à lui transmettre une offre de raccordement avant le 30 novembre 2010.
La société CFA Atlantique soutient que l'omission d'ERDF de transmettre une offre de raccordement dans les délais impartis sans justification doit s'analyser comme un refus d'accès au réseau.
Elle estime que ce refus d'accès au réseau méconnaît les dispositions de l'article L. 111-93 du code de l'énergie, qui impose qu'un tel refus soit motivé et notifié tant au demandeur qu'à la CRE et qu'il soit objectif et non discriminatoire.
La société CFA Atlantique soutient également que le décret du 9 décembre 2010 a eu soit pour objet de suspendre seulement le mécanisme d'obligation d'achat et non pas les offres de raccordement ; soit a bien eu pour effet de suspendre les offres de raccordement et dans ce cas le décret est contraire au droit français et au droit de l'Union européenne.
La société CFA Atlantique retient que selon cette dernière interprétation du décret l'application de celui-ci devrait être écartée en ce qu'il violerait :
― le principe de non-rétroactivité en portant atteinte à des situations définitivement constituées ;
― le principe d'égalité en traitant de manière discriminatoire les installations selon que leur puissance est supérieure ou inférieure à 3 kWc ; et
― le principe de confiance légitime consacré comme principe général du droit de l'Union européenne en suspendant brutalement et de manière imprévisible l'obligation de conclure un contrat d'achat.
La société CFA Atlantique demande au comité de règlement des différends et des sanctions :
― En premier lieu, qu'il constate le manquement d'ERDF à son obligation de remettre à CFA Atlantique une offre de raccordement avant le 30 novembre 2010 ;
― En second lieu, qu'il enjoigne à ERDF de communiquer à CFA Atlantique son offre de raccordement dans un délai d'un mois à compter de la notification de sa décision, sous peine d'une astreinte par semaine de retard.
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Par décision du 2 septembre 2011, le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu l'instruction de la présente demande de règlement de différend.
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Par courrier du 5 septembre 2012, le directeur général de la Commission de régulation de l'énergie a invité la société ERDF à présenter ses observations dans le cadre de la réouverture de l'instruction de la présente demande de différend.
Vu les observations en défense, enregistrées le 18 octobre 2012, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense Cedex, représentée par sa présidente du directoire, Mme Michèle BELLON, et ayant pour avocats Me Romain GRANJON Cabinet Adamas, affaires publiques, 55, boulevard des Brotteaux, 69006 Lyon.
La société ERDF soutient que la demande de la société CFA Atlantique doit être rejetée puisque le décret du 9 décembre 2010 est opposable aux producteurs n'ayant pas renvoyé leur PTF avant le 2 décembre 2010 et qu'il est incontestable que la société CFA Atlantique n'a pas renvoyé de PTF acceptée avant cette date et que son projet ne rentre pas dans le cadre dérogatoire prévu à l'article 2 du décret.
A titre subsidiaire, la société ERDF prétend qu'au 31 aout 2010 la fiche de collecte de renseignements était incomplète et que ce n'est qu'à compter du 2 décembre 2010 que la société CFA Atlantique a communiqué l'ensemble des données nécessaires. La société ERDF en conclut que la société CFA Atlantique ne peut prétendre qu'ERDF était dans l'obligation de lui transmettre une offre de raccordement avant le 30 novembre 2010.
La société ERDF conclut qu'il plaise au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter l'ensemble des demandes de la société CFA Atlantique.
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 3 décembre 2012, présentées par la société CFA Atlantique.
La société CFA Atlantique soutient que le délai de trois mois pour transmettre une offre de raccordement à compter de la qualification de la demande est un délai impératif. Elle constate qu'ERDF a confirmé la complétude de la demande le 31 aout 2010 et conclut qu'ERDF avait jusqu'au 30 novembre 2010 pour transmettre son offre de raccordement. Selon la société CFA Atlantique, en s'abstenant de transmettre son offre de raccordement, la société ERDF a méconnu sa propre procédure. La société CFA ne demande pas au comité de règlement des différends et des sanctions d'écarter les dispositions du décret du 9 décembre 2010.
La société CFA Atlantique estime que pour s'exonérer de ses obligations la société ERDF invoque l'existence d'une erreur matérielle. La société CFA écarte cet argument en retenant qu'aucun élément ne permet d'étayer l'existence d'une telle erreur, la société ERDF ayant confirmé au mandataire la complétude du dossier.
A titre subsidiaire, la société CFA Atlantique soutient que si une telle erreur existait, elle devrait être qualifiée d'erreur inexcusable dans la mesure où elle résulte d'une négligence d'ERDF et compte tenu des aptitudes et connaissances de cette société.
La société CFA Atlantique demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater le manquement fautif de la société ERDF en ne transmettant pas son offre de raccordement dans le délai de trois mois à compter de la date de complétude de la demande de raccordement.
Par ailleurs, la société CFA Atlantique renonce à demander au comité de règlement des différends et des sanctions qu'il enjoigne ERDF de communiquer sous astreinte à CFA Atlantique son offre de raccordement dans un délai d'un mois à compter de la notification de sa décision.
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Vu les observations en duplique, enregistrées le 21 janvier 2013, présentées par la société ERDF.
La société ERDF fait valoir qu'il appartient au comité de règlement des différends et des sanctions de trancher des différends par ses décisions et non pas de procéder à des constats. Elle cite la décision BEP Solaire du comité de règlement des différends et des sanctions du 16 mai 2012 selon laquelle « il n'appartient qu'au juge du contrat d'apprécier si [une] méconnaissance [de la procédure de traitement] constitue une violation [par ERDF] de ses obligations contractuelles ».
Elle prétend que « la fiche de collecte adressée le 31 aout 2010 par la société EDF Optimal solutions, mandataire de la société CFA Atlantique, était incomplète ».
La société ERDF fait valoir que le dossier de la société CFA Atlantique n'était complet qu'à compter du 2 décembre 2010 et non au 31 aout 2010, date à laquelle la société CFA Atlantique a communiqué les éléments obligatoires manquants.
La société ERDF estime que la complétude au 31 aout 2010 dont se prévaut la société CFA Atlantique ne résulte que d'une erreur matérielle des services d'ERDF et que cette erreur ne saurait être considérée comme une reconnaissance du caractère complet du dossier et encore moins comme une erreur inexcusable.
La société ERDF souligne par ailleurs que cette erreur ressort d'un acte isolé et que celle-ci a été corrigée dans un délai d'un mois seulement.
La société ERDF maintient ses précédentes demandes au comité de règlement des différends et des sanctions.
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 19 février 2013, présentées par la société CFA Atlantique.
La société CFA Atlantique fait valoir que ses demandes ne se limitent pas à un simple constat puisqu'elle vise également à ce que le comité de règlement des différends et des sanctions dise que « ERDF a méconnu sa procédure de traitement ».
Elle estime qu'en l'espèce le comité de règlement des différends et des sanctions est bien amené à trancher un différend relatif au raccordement au réseau public et par suite ce différend relève de sa compétence.
A l'appui de sa demande, la société CFA Atlantique cite la décision du comité de règlement des différends et des sanctions BEP Solaire du 16 mai 2012 dans laquelle le Comité de règlement des différends et des sanctions :
« constate que la société ERDF a méconnu sa procédure de traitement des demandes et raccordements » et
« Décide : art. 1er. ― La société Electricité Réseau Distribution France a méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement ».
La société CFA Atlantique soutient, de nouveau, que la transmission de l'offre de raccordement doit impérativement se faire dans un délai de trois mois à compter de la date de qualification de la demande du producteur et qu'ERDF a confirmé la complétude de la demande à la date du 31 aout 2010.
Elle estime qu'aucun élément ne permet de conclure à l'existence d'une erreur matérielle et fait valoir que la date de complétude au 31 août 2010 a été confirmée par ERDF dans son courrier relatif à la suspension du mécanisme d'obligation d'achat.
A titre subsidiaire, la société CFA prétend que si une erreur devait être admise, celle-ci ne pourrait qu'être qualifiée d'erreur inexcusable.
La société CFA demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater le manquement de la société ERDF à son obligation de remettre à la société CFA Atlantique une offre de raccordement dans le délai de trois mois à compter de la date de qualification de la demande et par suite de dire qu'ERDF a méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement, la société CFA abandonnant toutes autres demandes précédentes.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 12 juillet 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 211-38-11 ;
Vu la décision n° 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d'Etat, société Ciel et Terre et autres ;
Vu la décision du 1er février 2012 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 211-38-11 ;
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s'est tenue le 8 juillet, en présence de :
Mme Monique LIEBERT-CHAMPAGNE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Mme Sylvie MANDEL, M. Christian PERS et M. Roland PEYLET, membres du comité de règlement des différends et des sanctions ;
M. Olivier BEATRIX, directeur juridique et représentant le directeur général, empêché ;
M. Marc DREVON, rapporteur, et Mme Maud BRASSART, rapporteur adjoint ;
Me Raphaël LOPEZ, conseil de la société CFA Atlantique,
Le représentant de la société ERDF, assisté de Me Romain GRANJON.
Après avoir entendu :
― le rapport de M. Marc DREVON, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Raphaël LOPEZ pour la société CFA Atlantique ; la société CFA Atlantique persiste dans ses moyens et conclusions ;
― les observations de Me Romain GRANJON pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 8 juillet 2013, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.
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Sur la méconnaissance par la société ERDF de ses obligations contractuelles et réglementaires
et de sa documentation technique de référence
La société CFA Atlantique demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater que la société ERDF a méconnu ses obligations contractuelles et réglementaires, tout comme sa propre documentation technique de référence.
Le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour apprécier les conditions dans lesquelles la procédure de traitement des demandes de raccordement a été conduite.
La société ERDF soutient que le dossier de demande de raccordement n'était complet qu'à compter du 2 décembre 2010, et non du 31 août 2010, et que l'attestation du caractère complet du dossier dont se prévaut la société CFA Atlantique résulte d'une erreur matérielle.
La procédure de traitement des demandes de raccordement individuel en BT de puissance supérieure à 36 kVA et en HTA au réseau public de distribution géré par ERDF, qui fait partie de la documentation technique de référence de la société ERDF, prévoit dans sa version applicable à l'espèce et en son article 8.2.1 qu'à « compter de la date de qualification de la demande de raccordement, le délai de transmission au demandeur de l'offre de raccordement ne dépassera pas le délai défini dans le barème de raccordement pour le type d'installation concernée. Ce délai n'excédera pas trois mois quel que soit le domaine de tension de raccordement ».
Il ressort des pièces du dossier que la société CFA a complété son dossier à plusieurs reprises, notamment le 18 octobre 2010 et le 2 décembre 2010 et qu'ainsi sa demande ne pouvait être considérée comme complète au 31 aout 2010 ; que dès lors la mention de cette dernière date dans un courriel du 28 décembre 2010 ne peut résulter que d'une erreur matérielle.
L'article 1er du décret du 9 décembre 2010 précité dispose que l'« obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par les installations mentionnées au 3° de l'article 2 du décret du 6 décembre 2000 susvisé est suspendue pour une durée de trois mois courant à compter de l'entrée en vigueur du présent décret. Aucune nouvelle demande ne peut être déposée durant la période de suspension ».
L'article 3 de ce même décret ajoute que les « dispositions de l'article 1er ne s'appliquent pas aux installations de production d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ».
Les dispositions de l'article 5 dudit décret précisent enfin qu'« à l'issue de la période de suspension mentionnée à l'article 1er, les demandes suspendues devront faire l'objet d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat ».
Ce décret est devenu définitif depuis l'intervention de la décision du Conseil d'Etat susvisée en date du 16 novembre 2011 rejetant les requêtes tendant à son annulation.
L'intervention de ce décret a libéré la société ERDF de toute obligation de délivrer une proposition technique et financière dès lors que la demande de la société n'était complète qu'à la date du 2 décembre 2010.
Dans ces conditions, le comité de règlement des différends et des sanctions ne peut que constater que la société ERDF n'a pas méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement et la demande de la société CFA Atlantique doit donc être rejetée.
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Décide :